On ne m’avait pas dit de mal de ce film de série présenté l’an dernier et retrouvé sur Canal +, un soir où l’on a la flemme de chercher quelque chose d’un tout petit peu ambitieux et où on se résout à s’endormir dans le paysage télévisuel qui fait le quotidien de millions de braves gens.
Comme je n’ai jamais vu la série Urgences qui a eu, je crois, un certain succès (grâce à la belle gueule de George Clooney, je présume), je n’ai pas d’éléments de comparaison avec les modernes façons de présenter les vies, comédies, ridicules et drames de ce qui se passe dans les hôpitaux, milieu fertile à la mise en scène de microcosmes romanesques. Mais je suppose que les ressorts dramatiques sont à peu près toujours identiques : querelles de pouvoir, histoires fessières entre internes et infirmières, tyrannie des grands patrons, cas de conscience, vies perdues, vies sauvées, tonus orgiaques de salles de garde décorées de fresques obscènes, camaraderies des moments graves et tout le tremblement. J’ai un assez convenable souvenir d’Un grand patron d’Yves Ciampi, avec Pierre Fresnay et je me propose de revoir prochainement Journal d’une femme en blanc de Claude Autant-Lara avec Marie-Josée Nat : la dramaturgie particulière du milieu est, si je puis dire plus spectaculaire que celle d’une étude de notaire ou celle d’une fabrique de saladiers en plastique.
Mais précisément, le vrai talent, et quelquefois le vrai génie, c’est celui qui parvient à vous intéresser aux faits les plus insignifiants (Un enfant qui ne parvient pas à s’endormir, qui rencontre en jouant aux Champs-Élysées une petite fille de son âge, qui un peu plus tard croise des jeunes filles en fleur… etc. et ça peut suffire). Ce n’est évidemment pas le cas de Thomas Lilti qui dévide en un peu plus de 100 minutes tous les poncifs du genre en se confinant bien voluptueusement dans le discours dominant.
Ce cinéma formaté pour le petit écran se veut souvent impertinent et sarcastique : il l’est, souvent violemment, mais jamais ne tape sur les vaches sacrées et il reste bien sagement confiné dans le discours dominant. Comme Benjamin Barois (Vincent Lacoste), le jeune héros, interne débutant, est le fils du grand patron du service (Jacques Gamblin), à la suite d’une faute professionnelle, il n’est pas sanctionné par le collège disciplinaire, dans un grand élan de solidarité corporatiste ; mais son confrère Abdel Rezzak (le toujours excellent Reda Kateb), d’origine algérienne, qui a pourtant sauvé la mise de Benjamin, est, en revanche, durement puni et exclu de ses espérances d’intégration… Je ne dis pas que ce n’est pas vraisemblable, je dis que c’est inquiétant de vertueuse indignation…
Bon. Inutile de s’énerver sur un film sans intérêt et sans vivacité : j’arrête.