2ème bureau contre Kommandantur

La résistance oubliée.

On a trop tendance à oublier, emportés qu’on est par le miracle de la Marne, l’héroïsme de Verdun, le désastre de la Somme, la victoire finale, que, lors de la Première guerre, la France a été occupée. Certes pas dans la même ampleur que lors de la Seconde, mais plus longtemps encore, de septembre 14 à novembre 18 et sur une bonne partie des terres du Nord et de l’Est, 10 départements en tout ou en partie (sans compter, naturellement, l’Alsace-Moselle aux mains des Boches depuis 1870). On a tendance à oublier, et un peu davantage, que cette occupation, de la même nature que celle de 40 (voir le très complet article de Wikipédia) a suscité, elle aussi, une vivace résistance.

Plusieurs groupes de renseignements dont le réseau Alice fondé par l’admirable Louise de Bettignies, morte à 38 ans à Cologne après une très longue détention cruelle et humiliante (voir Sœurs d’armes de Léon Poirier (1937). Et c’est un de ces réseaux qu’évoque le bon film de René Jayet et Robert Bibal sorti sur les écrans – prémonitoirement ? – le 8 juin 1939.

À Saint-Quentin, baptisé dans le film Saint-Corentin, la population entière résiste passivement à une occupation plus bénigne que d’autres. Plus bénigne sans doute grâce à la bienveillance du colonel-comte von Niederstoff (Guillaume de Sax) francophile, nostalgique des nuits de Paris de la Belle époque dont il a été un des fêtards assidus. Mais dans son État-major, surtout dans les services de renseignement, il y a des sinistres canailles, le veule, corrompu, vicieux sergent Stiefel (Paul Azaïs) ou des brutes arrogantes, bornées, brutales, le lieutenant Heim (Gabriel Gabrio) et son adjoint le lieutenant Schmitt (Lucien Dalsace).Le commandement supérieur est exaspéré parce que de nombreux prisonniers évadés parviennent à passer la ligne d’occupation et que de précieux renseignements sur la disposition des lignes de fortification et les mouvements de troupes parviennent à la connaissance des Alliés. Pourtant toutes les perquisitions menées n’ont pas, jusqu’alors permis la moindre découverte. C’est qu’un réseau habile dirigé par la belle figure de l’abbé Gaillard (Léon Mathot) assisté par la grande bourgeoise Mme Lecœur (Junie Astor) parvient à déjouer les investigations allemandes.

Le sergent-interprète Stieffel, qui a été élevé à Paris et parle argot comme un vieux Parigot se propose d’être la taupe qui, se faisant passer pour un soldat français évadé, infiltrera le réseau. Mais il est vite démasqué, notamment par la vigilance du balayeur Airvault (Roger Legris) qui vient avertir l’abbé Gaillard qui allait recueillir l’espion.S’ensuit une kyrielle d’événements et de retournements de situation, sans doute un peu trop rocambolesques (l’abbé Gaillard a un frère jumeau aviateur, le lieutenant Heim n’est pas qui l’on croyait), mais plaisamment contés.

On tremble pour les résistants, d’autant que le général commandant le secteur envoie un fin limier, le lieutenant Kompartz (Jean-Max) pour démantibuler le réseau. Mais il s’y cassera les dents…je n’en dis rien de plus.Ce qui est amusant – ou plutôt éclairant sur la nature humaine – c’est que deux des acteurs d’un film qui exalte la résistance à l’ennemi, Junie Astor, qui fut du fameux voyage à Berlin de 1942, et Roger Legris, dont les positions collaborationnistes étaient notoires, ont été du mauvais côté pendant la Deuxième Guerre…

 

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