Cent mille dollars au soleil

Que des mecs !

Dans les suppléments du DVD, je ne sais plus qui (sans doute Claude Pinoteau, Premier assistant de Verneuil sur le film) explique que le souhait du réalisateur était de réaliser un western à la française, en profitant des paysages du Sahara, de la drôle de vie menée par les aventuriers qui y travaillaient sans beaucoup de scrupules et de limites, dans une atmosphère de fric durement mais abondamment gagné…

Mais un western à la française soumis à la plume vacharde et inspirée de Michel Audiard, ça ne peut pas être qu’un récit d’aventures épiques. Loin de là !

De fait, en arrière-plan,  les dromadaires, avantageusement, remplacent  les bisons, les danses marocaines les sauteries peaux-rouges et les aridités du Sud marocain n’ont rien à envier à celles de la Vallée de la mort. Seulement dans ce qui pourrait n’être qu’un petit film d’aventures au scénario assez banal (et dont, au final, on se préoccupe assez peu) finit par devenir une réalisation presque mythique du cinéma français. J’entends par là que, descendu en flammes par la critique hurlante, il connut un très grand succès public et que peu de choses lui ont manqué pour devenir une œuvre culte à la manière des Tontons flingueurs.

Western à la française, malgré le désert, les embûches du chemin, les poursuites acharnées et la duperie finale, ce n’est tout de même pas vraiment ça. Parce que, en plus des ingrédients habituels, il y a quelque chose qu’on ne voit pas dans les productions étasuniennes (mais qui, en revanche, va prendre toute sa place dans les films de genre italiens) : l’humour. L’humour et, davantage encore, l’esprit de sarcasme, hautement symbolisé par la survenue récurrente de Mitch-Mitch (Bernard Blier), somptueusement goguenard, sorte de personnage irréel à la Jiminy Cricket dont le ressort n’est pas l’admonestation morale, mais le quolibet vachard…

Au fait, est ce qu’on pourrait tourner encore aujourd’hui un pareil film d’hommes ? La ravissante Andréa Parisy n’est là que pour les exigences de l’intrigue et pour que Pépa gruge tout le monde ; quant à la gentille nymphomane Angèle (Anne-Marie Coffinet), elle n’est qu’une figurine du paysage. Paysage peu concevable de notre temps où les ukases du politiquement correct pèseraient sur ce qui serait analysé comme macho, sexiste, raciste, homophobe, xénophobe, alcoolisé ; en un mot anar de droite et Audiardien.

C’est vrai, les 17 ans que j’avais à la sortie du film ne se sont pas offusqués que les femmes (Pépa et Angèle) soient présentées soit comme des garces, soit comme des gourdes ; que les indigènes marocains soient encore impressionnés par les Européens et filent droit quand ceux-ci élèvent la voix ; que la fallacieuse liaison tendre prêtée par Rocco (Jean-Paul Belmondo) à ses poursuivants, Marec (Lino Ventura) et Steiner (Reginald Kernan) déclenche les gloussements de la foule et la fureur des accusés ; que l’un des protagonistes fasse, d’ailleurs, la remarque que Steiner, c’est tout de même pas du franchouillard garanti pur sucre ; que les bouteilles soient vidées et les cigarillos fumés au grand mépris des recommandations de l’OMS…

Tout ceci faisait partie du décor, qui n’était pas bien méchant, un peu bête sans doute, mais qui permettait de drôlement colorer le monde.

On ne va pas se plaindre que la Morale (avec un M majuscule) l’ait emporté, mais on souhaite à nos descendants de s’amuser autant que nous.

Et ce n’est pas gagné.

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