Le Lauréat

« Il venait d’avoir 18 ans… »

Vous me croirez ou non, mais j’ai attendu jusqu’à hier soir, à l’occasion d’un passage du film sur Arte pour découvrir Le lauréat, pourtant sorti en France à un moment où je m’imbibais de tout le cinéma du monde… Ça ne s’est pas fait à l’époque, je ne sais pourquoi et, depuis lors, l’audition jusqu’à plus soif des titres de la bande originale (absolument réussie) de Simon et Garfunkel m’avait suffit. La mort récente du réalisateur, Mike Nichols, le 19 novembre a entraîné un hommage télévisé un peu tardif et m’a permis cette découverte.

À dire vrai, si Le lauréat n’avait traité que de l’éducation sexuelle d’un benêt fraîchement diplômé par une belle femme mûre amie de la famille dudit benêt, j’aurais mis assurément une note meilleure ; en 67/68 l’image de l’initiatrice compétente amenée à déniaiser les jeunes gens était un fantasme des plus communs et même, assez souvent, une réalité vécue. C’est que, la pilule n’existant pas, ou très embryonnairement (quel jeu de mots ridicule !), les jeunes filles, même les plus dissipées, ne couchaient pas, sauf promesse de mariage, ou presque ; la femme mariée désireuse de s’offrir de la chair fraîche était donc un passage commode et fascinant (revoir Le blé en herbe, de Claude Autant-Lara, d’après Colette).

LAUREAT8Toute la partie qui traite de l’offensive de séduction conduite par Mrs Robinson (Anne Bancroft) sur la personne de Benjamin Bradock (Dustin Hoffman) est drôle, gaie, ingénieuse, bien qu’elle soit teintée de moralisme anglo-saxon puritain. Je crois en effet que de jeunes Latins auraient fait bien moins de manières avant de se laisser aller dans les bras d’une initiatrice aussi séduisante. Il est vrai que les États-Unis de l’époque portaient en eux une sorte de tranquillité conservatrice inoxydable, à base de pelouses bien tondues et de maisons confortables meublées avec un mauvais goût très sûr. Ce qui n’empêchait évidemment pas névroses alcoolisées et nymphomanies hystériques. Mais enfin tout ça est bien mené.

Je suis moins convaincu par les deux acteurs, non qu’ils soient médiocres, loin de là, mais parce que l’un est trop âgé pour le rôle, l’autre trop jeune. Hoffman avait déjà 30 ans au moment du tournage, et Bancroft n’en avait que 37. La trop faible différence est tout de même bien visible et gâche un peu p1la vraisemblance.

Mais cela n’est rien au regard de la niaise deuxième partie du film qui relate les amours difficiles, contrariées puis triomphantes de Benjamin et d’Elaine Robinson (Katharine Ross, à la mâchoire carrée, elle aussi bien trop âgée pour le rôle – 27 ans -), avec des péripéties bien lassantes, répétitives et finalement burlesques (la survenue de Benjamin dans l’oratoire où Elaine va épouser un autre homme et son enlèvement).

La manière de filmer de Mike Nichols ne m’a pas particulièrement retenu ; je l’ai trouvée même quelquefois assez puérile, par exemple dans la scène où Benjamin, costumé en homme-grenouille vient faire une démonstration dans la piscine de ses parents, mais surtout dans l’insertion d’images très rapides censées subliminalement montrer – sans la montrer ! – la nudité de Mrs Robinson devant les yeux agrandis, émerveillés et scandalisés tout à la fois du jeune homme. Cette transgression du code Hayes a dû faire beaucoup jaser pour pas grand chose.

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