Cris et suçotements.
Je précise d’emblée que le titre Cris et suçotements de cet avis n’est pas de moi mais du critique cinématographique de Paris Match, qui a osé ce jeu de mots d’assez mauvais goût qui caractérise tout de même assez bien un film qui était un des favoris, avec La vie d’Adèle pour obtenir le César du meilleur film cette année. Cinématographiquement, je me veux l’esprit large et les scènes de sexe ne m’ont jamais fait pousser des cris d’orfraie ; ma vie, mes goûts, mon imaginaire ne me poussent absolument pas – mais alors vraiment pas – vers mon propre sexe, mais enfin je sais bien qu’il y a une partie non négligeable de l’humanité qui a une toute autre orientation (comme on dit : j’écrirais plutôt détermination).
Fait de nature sur quoi je n’ai pas à gloser : chacun son affaire. L’homosexualité masculine, pour ne parler que d’elle, quand on ne l’a pas traitée ironiquement (comme dans La cage aux folles, par exemple) a irrigué, inspiré des films de qualité (Les amitiés particulières, Music lovers, Mort à Venise, Victor Victoria) où d’une façon quelquefois aimable, quelquefois pathétique cette particularité est évoquée.
Je peux m’étonner – c’est mon côté vieux con – que L’inconnu du lac qui présente d’assez nombreuses scènes sexuelles explicites, comme on dit en novlangue soit diffusé sur Canal+ en première partie de soirée, bien q’il soit interdit aux moins de 16 ans, mais enfin, je ne suis pas chargé de la police familiale et les parents un peu réticents à ce que leurs bambins et adolescents puissent visionner ces scènes-là n’ont qu’à verrouiller leur code parental.
Mais surtout je me suis bien ennuyé devant la répétitivité des scènes du film : plage inconfortable de galets, parking venté, types nus attendant la bonne aventure, escapades dans le bois où les silhouettes se reconnaissent, se frôlent, se font signe, se retrouvent et s’entremêlent. Je conçois que ce manège à usage exclusivement sexuel – les rencontres pouvant se faire sans qu’un mot soit échangé, sans qu’un prénom soit même donné à son partenaire – peut avoir de fascinant ; de terrifiant aussi, à mon point de vue et de glaçant aussi, mais enfin ces lieux existent et ces pratiques aussi. Seulement on doit bien, pour confectionner une heure et demie (et un peu plus) de film introduire une intrigue qui aille au delà de la curiosité charnelle. Et là, le film de Alain Guiraudie ne fait pas dans la dentelle, imaginant un tueur compulsif séducteur et mystérieux dont on ne saura finalement rien et qui paraît s’échapper dans la nuit, pour une fin les moins satisfaisantes de l’histoire du cinéma.
Il y a un cinéma pornographique, qui a sa raison d’être, ses amateurs et son utilité sociale ; ça ne me gêne pas du tout qu’il prospère, pas plus qu’il ne me gênerait qu’il disparaisse ; par ailleurs, j’admets parfaitement le mélange des genres et j’ai écrit des lignes assez louangeuses pour le Caligula de Tinto Brass et Bob Guccione parce que (sans finesse excessive, il est vrai) il faisait ressentir, dans l’accumulation des scènes sexuelles, l’écœurement, la haine se soi et l’épuisement de la Rome décadente. Ce n’est pas du tout le propos de L’inconnu du lac.
Ma note n’est qu’anecdotique et pourrait ne pas exister : le parti-pris du réalisateur ne permet pas qu’on juge son film selon nos habituels critères.