La fiancée de Dracula

affiche Amateurs s’abstenir !

Cédant à la nécessité de compléter une commande sur un site de discompte (10 DVD pour 30 € !), j’ai eu la mauvaise idée de m’offrir ce Jean Rollin tardif (2002) qui n’a pas grand chose de commun avec les films des débuts de ce cinéaste complètement cinglé et résolument branque. Il y avait une telle étrangeté malade dans Le viol du vampire, La vampire nue, Le frisson des vampires, tant de lumières bizarres, rouges, vertes, violettes, illuminant des ruines et des jeunes filles toutes nues avides de sang (et souvent de leur propre sexe), tant de physionomies étranges d’acteurs marginaux (Michel Delahaye ou Jacques Robiolles), tant de fascination – souvent maladroite, il est vrai – pour la pure étrangeté, celle de Bunuel ou de Franju (qui sont tout de même très loin devant), tant de défauts que, finalement c’était un cinéma d’un certain intérêt.

fiancee-of-dracula-10L’eau a coulé sous les ponts ; entre les premiers films, tournés dans la foulée du joyeux et malencontreux bordel de Mai 68 et La fiancée de Dracula réalisé à l’orée du nouveau millénaire, il y a eu tant et tant de changements de toute sorte, de l’installation du porno dans les habitudes à l’affadissement des mythes vampiriques que ça ne fonctionne plus bien. Et puis on a perdu l’habitude de ce cinéma de bric et de broc, cousu d’incohérences de scénario, de puérilités des dialogues et d’amateurisme des acteurs (extrayons de ce fatras le cher Bernard Musson, qui fait une pige vraiment minimale).

Jean Rollin le dit dans un entretien qui figure dans les bonus du DVD : il a toujours conçu ses films en écriture automatique, partant sur une ou deux images qu’il avait préalablement en tête et développant au fil de l’eau ces prémisses. Pourquoi pas ? Rien de construit, de cohérent, d’articulé ; personnages survenant sans rime ni raison, sauvetages miraculeux ou, au contraire trucidations incompréhensibles. Plus gravement cette manie de filmer sans rigueur gâche des idées qui, mieux structurées, pourraient, dans le genre, être très réussies.

fiancee-de-dracula-2002-07-gAinsi, dans La fiancée de Dracula, cette idée que ladite fiancée, Isabelle (Cyrille Iste) est gardée des atteintes du comte vampire par l’Ordre religieux de la Vierge blanche, composé de nonnes folles, Ordre qui a également pour mission d’empêcher le buveur de sang de s’échapper, mais aussi de mourir (ne pas chercher la cohérence, vous dis-je !). Rollin avait tout le matériau pour tutoyer le sacrilège : il ne s’en sert pratiquement pas ou si timidement que ça tombe à plat et il introduit même des éléments comiques là où il y avait un boulevard pour la provocation.

Les acteurs sont insignifiants ; à noter, pour les amateurs que Mlle Brigitte Lahaie effectue une prestation minimale, mais tout à fait habillée (cela dit pour ne pas induire en erreur ses nombreux admirateurs). Pourquoi mettre un 1 plutôt qu’un 0, alors ? Parce que Jean Rollin est une sorte de Jesus Franco (avec le grave défaut de se prendre au sérieux, d’être guindé et prétentieux là où l’Espagnol montre bien qu’il se fiche du monde) : il sait filmer les ambiances torves angoissantes ; il est vrai qu’en utilisant des cimetières embrumés, des lunes fatidiques, des ruines, des carrières désaffectées, des plages à marée haute, des barques qui achèvent d’y pourrir, le glas d’une cloche esseulée, on ne prend pas grand risque.

Film à vite oublier. Mais il n’est pas dit que je ne reviendrai pas au cinéaste.

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