Au bout d’un quart d’heure, de vingt minutes, j’étais à deux doigts d’éjecter le DVD de mon lecteur et de passer à autre chose, ce qui ne m’arrive jamais, tant je trouvais à la fois embrouillée et languissante cette histoire procédurière étasunienne. Je n’ai aucun besoin de recevoir un cours de Droit constitutionnel d’un pays qui a poussé l’aberration et la vertu jusqu’à se débarrasser honteusement de son meilleur président, Richard Nixon, évacué pour des histoires de corne-cul ridicules. Et puis je sentais monter cette obsession puritaine de la transparence qui a contaminé notre Europe civilisée au point qu’aucun candidat à une charge publique, désormais, ne peut bouger le moindre cil et – pis encore ! – craint d’en avoir bougé un vingt ans auparavant, lors d’une beuverie étudiante.
Ce qui a commencé à me retenir, c’est que, précisément, je ne parvenais pas à capter le fil du récit ; à tout le moins à comprendre qui en était le héros. Et c’est sûrement ce qui est le plus surprenant, dans Tempête à Washington : on croit qu’on va, les prémisses posées, s’attacher aux pas du secrétaire d’État Leffingwell (Henry Fonda) désigné par le Président (Franchot Tone) dont la nomination doit néanmoins recevoir l’aval du Sénat. Mais son passage sur l’écran est presque météorique. On se dit alors que la caméra va s’attacher à cette vieille racaille séduisante et hideuse de Cooley (Charles Laughton, admirable), Sénateur de Caroline du Sud (premier État sécessionniste, dès 1860). Et, juste après, on imagine que celui qui tire les ficelles, c’est Bob Munson (Walter Pidgeon), le leader de la majorité présidentielle, surtout lorsqu’on découvre qu’il entretient une liaison voluptueuse cachée avec la riche belle veuve Dolly Harrison (Gene Tierney), liaison dont on ne reparlera plus du tout ensuite.Ça y est : on a trouvé, le personnage principal, c’est Brigham Anderson (Don Murray) Sénateur mormon (son prénom le dit assez) du vertueux Utah, père de famille exemplaire. Et puis, pif, paf, il se suicide, sous l’imminence du chantage de la révélation de la brève liaison homosexuelle qu’il a eue jadis.
On n’est pas plus avancé. On se demande si le projecteur va s’attacher aux pas de ce coquin séducteur sympathique de Lafe Smith (Peter Lawford), Sénateur du Rhode Island ou bien de l’excité Fred Van Ackermann (George Grizzard), Sénateur du Wyoming, ou encore du terne vice-président Harley Hudson (Lew Ayres), qui fut Gouverneur du Delaware. Mais après avoir fait à peu près fait le tour des 50 États (il y a même un sénateur de Hawaï et une dame, Sénateur du Kansas qui se font entendre), on est parvenu à la fin du film.On ne s’est pas ennuyé, dans ce jeu compliqué de coups tordus et de chantages en dessous de la ceinture, malgré le début du film, statique, verbeux et compliqué. Malheureusement, la fin du film, ce coup de théâtre ridicule de la mort brutale du Président des États-Unis qui laisse à la seconde précise le pouvoir à son suppléant, qui se dépêche de le trahir et de se venger de tous les mépris qu’on lui a fait subir est une idée exécrable.
C’est un drôle de film, glacé, corseté, rigide, plein de brio et d’intelligence sans doute, mais complètement dépourvu d’émotion.