Lourde ambition que de se lancer dans ce qu’on pourrait appeler le film de bande en 2003 ! Ça semble avoir réussi à Marc Esposito puisque son film a eu suffisamment de succès pour connaître deux suites… Mais le réalisateur a eu assez conscience de la gageure en évoquant (supplément du DVD) les grandes ombres des films de Claude Sautet (Vincent, François mais aussi Mado) ou d’Yves Robert (Un éléphant et Nous irons tous). Tant à faire, pour compléter le tableau et se trouver devant de rudes exemples, il aurait pu également évoquer Mes chers amis…
Sans être aussi cruelle qu’on a pu le dire, la réalité est néanmoins impitoyable : la plupart des ingrédients nécessaires à une histoire d’amis réunis par les souvenirs et le goût de la rigolade est bien présente (il n’est pas absolument indispensable que le réalisme préside à cette réunion) mais la sauce demeure légère. Amis qui paraissent avoir tout pour vivre une vie facile et plaisante et qui en fait sont ravagés par la solitude et le vide de l’existence, qui subissent les petits et grands drames du quotidien, se défilent, escamotent leurs lassitudes mais les retrouvent à tout bout de champ.
On dirait d’ailleurs que toutes les situations sont outrées : le comportement avec les femmes d’Alex (Marc Lavoine) se réfère évidemment à celui de Bouly (Victor Lanoux), mais il relève davantage de la maladie, de l’obsession sexuelle que du plaisir de la drague. Jeff (Gérard Darmon) file un parfait amour avec Elsa (Zoé Félix) qui a 30 ans de moins que lui, mais cette attirance là n’a pas la moindre véracité, au contraire de la fascination qui lie Lello Mascetti (Ugo Tognazzi) et Titine (Silvia Dionisio). La réaction d’Antoine (Bernard Campan) qui abandonne son foyer durablement parce que sa femme lui a avoué une incartade est démesurée.
Situations outrées ici, à peine exploitées là : au début du film Manu (Jean-Pierre Darroussin) perd son père, ce qui est toujours une bonne base pour philosopher sur la fragilité des destinées humaines ; mais nous n’apprendrons rien, ou si peu, sur ce que fut le mort… à peine qu’homme simple, il s’était mis à écouter de l’opéra. Rien à voir avec ce que nous savons de la volcanique Mouchi (Marthe Villalonga), exaspérante et indispensable dont la disparition plonge Simon (Guy Bedos) dans un désespoir qui nous touche… Bref, c’est trop ou trop peu.
Même incertitude du côté des dames ; l’idée de Marc Esposito était sans doute de donner un peu de consistance aux épouses, maîtresses, petites amies du quatuor, ce qui pouvait permettre de faire passer la tonalité machiste du film (sur ce dernier point, quelques rosseries assez grossières, mais drôles : ainsi Alex à ses amis, quand sa femme, Nanou (Catherine Wilkening) les quitte pour aller danser : On m’avait prévenu quand je l’ai achetée ; ce n’est pas une race très obéissante. Aïe, les féministes!). Le beau sexe est donc agréablement représenté, mais le réalisateur ne parvient pas à donner à ces dames un peu d’épaisseur, celle qu’avait, par exemple, la seule Marthe Dorsay (Danièle Delorme) dans les films d’Yves Robert.
Cela étant, on suit sans désagrément mais sans passion et surtout sans connivence, le parcours des quatre hommes. Pourtant, la dernière image venue, dans la beauté du soir d’été qui tombe, a-t-on envie de venir tremper les pieds avec eux dans la piscine ?