Trop habile, mais très honnête.
J’ai tout de même le sentiment que si Usual suspects ne se terminait pas par des séquences habiles et renversantes, le film n’aurait pas bénéficié lorsqu’il est sorti du succès qu’il a rencontré. Ce retournement final conditionne tellement la vision qu’on peut en avoir que j’ai presque envie de la révéler ici, toute nue, toute crue pour que les spectateurs qui pourraient découvrir aujourd’hui la réalisation de Bryan Singer ne se laissent pas trop avoir par l’habileté et la complication farfelue de l’intrigue.
Je résiste à peine ; et pourtant ce retournement, cette révélation terminale n’a pas un intérêt majeur, hors son côté prestidigitateur et on suit très aisément, tout au moins dans les trois premiers quarts du film, ses péripéties, sanglantes, cruelles et dévoyées sans avoir besoin du coup de théâtre final.
Tel qu’il est, Usual suspects ne vaut ni plus, ni moins que tout ce que les États-Unis nous envoient depuis plusieurs décennies, en matière de pègre, de crime organisé et de violence assassine. Ce n’est pas que cette banalité soit désagréable à regarder, loin de là : il y a un rythme, des images, des acteurs qui sont solidement mis en scène ; il y a un montage, une technique du récit avec tout plein de flashbacks utiles qui montrent que tous ces professionnels connaissent leur affaire et savent surprendre le spectateur au bon moment.
Tout cela avec les trahisons, les retournements de situation, les révélations surprenantes qui sont le lot commun du genre.
Il y a des acteurs bien typés, qui ont le physique de leur emploi, un nombre congru de dissensions, de hurlements, de toisements de regard. Il y a les montées d’adrénaline subséquentes aux scènes d’action attendues, dont on n’est d’ailleurs pas déçu : l’attaque par les gangsters de la voiture conduite par les policiers ripoux, les assassinats dans l’ascenseur, par exemple. En revanche le dézingage final des matelots du cargo censé donner lieu à un trafic entre Argentins et Hongrois est à la fois bien trop long et un peu nigaud : voilà trois hommes (McMannus/Stephen Baldwin, Keaton/Gabriel Byrne et Hockney/Kevin Pollak) qui parviennent à descendre une large vingtaine d’autres bandits armés jusqu’aux dents… On se croirait dans une parodie des Barbouzes où tous les coups font mouche !
Cela étant, le film se laisse voir avec plaisir… Un peu comme tous les Scarface et Nuit nous appartient dont nous sommes régulièrement abreuvés…
Ah, au fait… La phrase La plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ! ne sort évidemment pas du film, mais de Charles Baudelaire…