La grande beauté.
Si on ne cherchait dans le cinéma que l’intérêt d’un scénario et l’intelligence d’une histoire, il est fort à parier que La comtesse aux pieds nus n’aurait pas laissé grande trace dans la mémoire des amateurs. Hollywood a produit à foison des mélodrames flamboyants aussi chargés de poncifs (infirmités cachées, révélations morbides, désespoirs accablants) qu’un cargo chinois de conteneurs pleins à craquer de bimbeloterie.
Ce sont là quelques uns des ressorts les plus éculés des romans de gare, débités à la pelle et oubliés au fur et à mesure. Ceci à moins d’être sauvés par le talent de Joseph Mankiewicz et les chatoiements éblouissants du Technicolor de la haute époque. Ce qui est déjà un point très positif. Si l’on ajoute la présence (un peu trop lointaine, trop effacée, néanmoins) d’Humphrey Bogart, qui ne laisse jamais indifférent, on commence à positiver les choses.
Et puis, dans presque toutes les séquences, la grâce charnelle d’Ava Gardner, plus bel animal du monde, à l’époque et pour toujours… Le film baisse grandement de ton, dès qu’elle n’est plus dans l’espace de l’écran et tend à redevenir un beau sujet décoratif et vain. Et toc ! Elle est là à nouveau, et on en est confondu.Je crois avoir compris que des tas d’actrices, certaines importantes, comme Rita Hayworth et Elizabeth Taylor ont failli avoir le rôle, mais que Mankiewicz, auteur du scénario, souhaitait de toute éternité faire incarner Maria Vargas par Ava Gardner ; je ne suis pas plus certain que ça de ce que j’avance, mais il est extrêmement possible que le réalisateur, en écrivant les scènes, songeait à elle, tant le rôle lui est presque évidence.
Cela écrit, lorsque de temps à autre on sort de la sidération sensuelle dans quoi vous a plongé l’actrice, on trouve tout de même que c’est plutôt ennuyeux, malgré la beauté de la Riviera.