Spermula

Vanité et vacuité.

Je l’avais déjà noté lorsque j’avais regardé L’Italien des Roses, le premier long métrage de Charles Matton qui n’en n’a réalisé que quatre, au demeurant, ce qui est déjà beaucoup trop pour un artiste plus susceptible d’intriguer l’amateur par son œuvre plastique (les fameuses boîtes) que par son sens du récit. J’écrivais alors : On sent bien que c’est un intellectuel qui est derrière la caméra et qui cherche à entraîner le spectateur dans une structure compliquée. Le malheur est que le spectateur ne se laisse pas faire comme ça, et que ce qui pourrait servir de support à une rêverie alcoolisée ou -certainement encore davantage – à une dérive entraînée par des substances hallucinogènes, aboutit à un enquiquinement majuscule.

Le nom primitif de Spermula est L’Amour est un fleuve de Sibérie (réponse adéquate à la question-piège censée être fréquemment posée aux concours d’entrée dans les Grandes écoles). Mais on conviendra sans peine que le titre finalement choisi est bien davantage propice à allumer des lueurs vermeilles dans l’imaginaire de nos amis les hommes. Il faut donc que je prévienne ceux qui auraient la mauvaise idée de se rincer l’œil en achetant le DVD qu’ils vont au devant de graves déconvenues. Quelques nudités agréables de jolies filles très interchangeables (mais très peu de celle de la vedette principale, Dayle Haddon, qui est pourtant d’un beau calibre), quelques furtives images de sexe non simulées, mais absolument rien qui puisse entraîner à un emballement érotique).

Le récit est si incohérent et parcellaire qu’on a le sentiment que le film a été charcuté, bouleversé, trituré, remonté dans tous les sens. Et à la lecture de ce qu’on trouve ici et là, après avoir vu la bande-annonce qui figure dans le DVD, on en acquiert la certitude. Car il s’agit soit d’une sorte de secte aristocratique et libertine qui s’est constituée aux États-Unis en 1937, qui a disparu complétement et revient dans son pays d’origine par prosélytisme, soit d’extra-terrestres qui ont adopté un apparence humaine et séduisante et prétendent retirer à l’Humanité toute agressivité en leur retirant – grâce au sexe – la malédiction de l’amour (qui suscite tant et tant de conflits).

Je n’ai rien contre les fariboles à prétention philosophique et celle-là, pas plus qu’une autre ne serait capable de me décourager s’il y avait en soubassement une ou deux idées emplies d’une logique interne. Mais en voyant Spermula j’ai irrésistiblement songé à nombre des films de mon vieux camarade Jesus Franco qui, sans se hausser du col, lui, qui a coutume de trafiquer beaucoup de ses films, d’inclure dans l’un les chutes d’un autre, de retirer des scènes qui ne passeraient pas la censure dans tel pays, mais qui la défient ouvertement là et ainsi de suite. D’ailleurs, dans les spermulettes qui viennent déranger l’autre établi en venant capter la mentalité et la virilité des humains, j’ai retrouvé trace d’une idée exploitée dans La comtesse noire, vampire femelle interprété par l’habituelle Lina Romay, qui se nourrit de la façon que l’on peut imaginer et qui porte, selon les versions, le nom de La comtesse aux seins nus ou (!!) de Les avaleuses.

Charles Matton avait, paraît-il, conçu son film comme une œuvre esthétique, une avant-garde qui mêlerait liberté sexuelle et billevesées à prétention philosophique. Ne pas oublier qu’on est alors en 1976, juste après la loi qui crée le classement X et qui, de fait, condamne les films porno aux circuits spécialisés. Il mélange donc, de façon très hétéroclite une ancienne vedette (Ginette Leclerc) et un solide routier du cinéma classique, (Georges Géret), un acteur de lisière, très apprécié de l‘Underground, (Udo Kier) et l’inusable nain Piéral à un bataillon de jolies femmes vaporeuses plus ou moins déshabillées. Il lâche sa caméra dans le brouillard, ne sait pas filmer les quelques belles maisons qu’il utilise, s’empatouille dans des dialogues insupportablement verbeux et à la limite inférieure du ridicule et se prend les pieds dans des coupes arbitraires.

Je présume que, du fait de la réputation de l’artiste, qui avait une côte certaine sur le marché de l’Art, personne n’a trop osé moufter. Et pourtant quelle inanité !

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