Terror 2000

L’entre-soi.

Sur le site de Arte, où j’ai vu le film, Terror 2000 est présenté comme une farce grinçante d’une Allemagne réunifiée confrontée à sa propre violence. On reconnaît bien là le jargon du Camp du Bien et la vigueur militante des rédacteurs qui passent indifféremment des Inrockuptibles à Télérama, de Médiapart au Monde diplomatique. À dire vrai, j’ignore si ces deux dernières publications comportent une rubrique cinématographique, mais je suis absolument persuadé que si c’est le cas, le film de Christoph Schlingensief doit y avoir été recensé et célébré. Car, chez ces gens-là, on sait se tenir les coudes.

Qu’un réalisateur allemand contesté et dérangeant (je cite Wikipédia) vienne mettre sous le nez de ses compatriotes les mauvais remugles du national-socialisme n’a rien pour me déplaire, loin de là. J’ai toujours développé pour la Germanie une méfiance inquiète et revêche et j’ai toujours pensé, depuis le cardinal Mazarin jusqu’à François Mauriac qu’il était excellent que notre voisin fût éparpillé en principautés et en aucun cas réuni en État unitaire. Et ce ne sont pas les arrogances développées depuis la réunification, la catastrophe de la fin du siècle dernier, qui vont me faire changer d’avis.

Mais est-il nécessaire pour dénoncer une nouvelle fois ce pour quoi nous sommes tous d’accord, l’ignominie du nazisme, de réaliser un film aussi grotesque, puéril, ennuyeux, dégoûtant et insupportable ? Un film-foutoir qui ferait passer les pires bêtises désinvoltes de Jean-Pierre Mocky pour un modèle de rigueur, d’attention et d’austérité ? Terror 2000 est une des pires monstruosités que j’aie jamais vues au cinéma et Dieu sait si pourtant j’ai, sur ce sujet, une cuirasse épaisse et si mes yeux ont pu découvrir des abominations et ignominies diverses, variées et redondantes.

Dans la parfaite flemme de faire un effort pour relater ce naufrage, je cite le propos de présentation qui figure sur le site d’Arte : le film suit un couple de policiers chargés d’enquêter sur la mort de réfugiés à Rassau, en Allemagne de l’Est. Très vite, ils découvrent qu’il s’agit d’un terreau de haine raciale, où des criminels en fuite ont pris la tête d’un groupuscule néonazi pour attaquer le camp de réfugiés de la ville. Face aux exactions, la police peine à gérer l’affaire et les médias attisent les tensions. Dans un crescendo grotesque de violence, de perversion et de fureur, les frontières entre les camps se brouillent, sur fond de références à la prise d’otages de Gladbeck, survenue quatre ans avant la sortie du film. Excès de cynisme et d’obscénité ou satire bien sentie d’une société gorgée de haine ? S’il a divisé la critique, cet ovni cinématographique reste brûlant d’actualité.

Ma foi, ce qui est étonnant et d’ailleurs tout à fait choquant, c’est qu’une chaîne publique puisse diffuser ce monument d’ennui et de ridicule, sanguinolent et nourri au pipi-caca, irrigué de nymphomanie, de profanations diverses, de plaisanteries de potaches attardés, de laideurs évidemment volontaires, de tout et de n’importe quoi. On s’imagine quelquefois au fin fond. Une parodie de la parodie. Mais non ! On n’est pas encore tout à fait parvenu à l’absolu de la prétention, on parvient encore à descendre quelques degrés, sous l’œil effaré du spectateur qui se demande ce qu’il fait là.

Qu’y faisais-je, au demeurant ? Ma foi, je ne cache pas que le nom d’Udo Kier, si impeccable acteur de Du sang pour Dracula de Paul Morrissey m’y avait attiré. Comment me suis-je laissé prendre ? Même un vieillard blanchi sous le harnais, comme je le suis, parvient encore à se faire rouler. C’est à désespérer de la nature humaine, n’est-ce pas ?

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