Plaisant et trouble
Cette atmosphère de Côte d’Azur huppée et assez trouble est fort bien rendue, mieux encore que dans Retour de manivelle (dont elle constituait, il est vrai, un des uniques atouts) ; la photographie d’Henri Decaë est superbe, la musique de Lalo Schifrin une remarquable réussite (le torride déshabillage de Mélinda (Jane Fonda) devant Vincent (André Oumansky), et la virtuosité de René Clément une vraie leçon de cinéma : c’est un film continuellement enrichi de magnifiques images, avec un sens très sûr de la composition. Alain Delon y est brillant, et Lola Albright belle à damner un saint.
Mais je trouve que l’histoire patauge un peu, qu’elle se met lentement en place, manque de rythme, sauf à la fin où la chute est assénée avec beaucoup de brio. Les dialogues sont mollassons, souvent emphatiques. Ils sont pourtant de Pascal Jardin, souvent mieux inspiré (tous ses films avec Pierre Granier-Deferre, notamment Le chat, ou encore Le vieux fusil de Robert Enrico); enfin – il est vrai que ce n’est pas grand chose – les cascades sont à la limite inférieure du ridicule.
Enfin…ça mérite tout de même largement d’être vu !
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Dans une après-midi parisienne gluante de pluie, je me disais que retrouver la Côte d’azur toujours illuminée de soleil n’était pas une mauvaise idée. Et puis finalement, une godasse trouée dans une flaque d’eau. Dialogues infantiles, intrigue hachée, totalement invraisemblable, ellipses fatigantes.
Ce Clément-là annonce la fin de carrière ; on est loin des grands, très grands films des débuts : La bataille du rail, Le père tranquille, Au delà des grilles, Gervaise et on s’achemine vers les bizarreries finales, Le passager de la pluie, La course du lièvre à travers les champs, des trucs mal ficelés, des récits improbables, des histoires grandiloquentes…
Et lorsqu’un scénario est mal bâti, la façon de le filmer, si techniquement impeccable qu’elle peut être, ne suffit pas ; ni la qualité des acteurs (je ne renie rien de ce que j’ai écrit sur l’excellence du jeu d’Alain Delon, sur la beauté de Lola Albright et de Jane Fonda), ni celle de la musique (les thèmes excitants de Lalo Schifrin ), ni bien sûr la beauté de la photographie d’Henri Decae.
Mais au regard de ça, combien de scènes un peu ridicules ! Celles du début où Marc/Delon est poursuivi par une équipe d’hommes de main qui veut sa peau et où il ne peut faire trois cabrioles ou sauter trois obstacles pour échapper aux tueurs sans se retrouver en face d’eux : on dirait Bip-Bip et Vil coyote les personnages du dessin animé, de Chuck Jones ; aussi celles où dans le labyrinthe de la grande villa de Villefranche, les balles font mouche à tous les coups.
Le retournement final est habile, évidemment, mais il n’est somme toute pas si inattendu que ça : c’est un peu le risque de ce genre : on sait tellement à l’avance que les choses ne vont pas se passer comme la logique initiale le voudrait qu’on soupçonne d’emblée la personne la moins soupçonnable de manipuler les cartes. Et on se trompe rarement…