Bon film et bons sentiments
On ne fait, certes, jamais de bonne littérature ou de bon cinéma avec de bons sentiments, mais il arrive que cette règle ne soit pas tout à fait absolue et qu’on puisse ne pas verser dans le pathos larmoyant en se tenant à la juste ligne de crête.
On ne fait, certes, jamais de bonne littérature ou de bon cinéma avec de bons sentiments, mais il arrive que cette règle ne soit pas tout à fait absolue et qu’on puisse ne pas verser dans le pathos larmoyant en se tenant à la juste ligne de crête.
Après tout, faut-il avoir honte d’apprécier aussi les récits où la justice immanente arrange tout d’un coup de cuillère à pot, où les bons sont récompensés d’être bons, et où les méchants finissent par se convertir et passer dans le camp de la lumière ?
La vie n’est pas comme ça ? Et alors ? La vie n’est pas non plus un cloaque si fangeux que toutes les puretés, toutes les noblesses, tous les dévouements doivent être ipso facto suspectés en raison même de leur existence. Certes, comme dit le lumineux Pascal, « Qui veut faire l’ange fait la bête » ; le malheur est que, le plus souvent, qui veut faire la bête ne fait pas l’ange.
Donc, Forrest Gump, film attachant et démagogique figure dans mon Panthéon cinématographique : inutile de darder des sourires entendus, inutile de pointer les insuffisances du film, et le côté aujourd’hui bien banal de ses effets spéciaux qui conduisent notre héros à serrer la louche de Kennedy.
Inutile aussi de me suspecter d’américanomanie galopante (et subite, alors, parce que je ne crois pas avoir ici ou ailleurs fait jamais allégeance à Oncle Sam !) ; inutile de me dire que c’est consensuel, politiquement correct, opium-du-peuple et tutti quanti.
J’admets. Mais j’ai souvent envie d’oublier cette trop européenne dérision qui est quelquefois la marque de l’expérience et de la connaissance du dessous des choses, mais trop souvent celle de la sénescence et du ricanement pré-mortuaire.