Film élaboré, réfléchi, d’une infinie finesse, où les blessures intimes sont mises à nu sans dramatisation, ni éclats de voix, mais avec une sévère rigueur, une clarté nue à la fois élégante et réaliste…
Ce couple de bourgeois tristes, sans flamme, ni avenir, ni passé (sait-on quoi que ce soit sur ce qui les a réunis ?), sans souci et sans enfant vit de faux-semblants et de vergognes ; couple gêné de se trouver en tête-à-tête, d’autant plus qu’il est sans repères, en voyage, en voyage à l’étranger, et dans un étranger étrange, qui plus est : les découvertes des singularités de Naples et de sa région entreprises par Katherine (Ingrid Bergman), le côté presque documentaire de ses émerveillements devant les échos de l’antre de la Sibylle, devant les solfatares du Vésuve, devant les témoignages de la piété naïve des habitants, devant, d’ailleurs, les visages napolitains filmés presque brutalement, sont autant de raisons de la remise en question d’un couple ronronnant, et d’apparence indifférente.
Gêne mutuelle couplée à un attachement d’une grande force, qui n’est pas que de la jalousie, mais bien plutôt l’infinie tristesse de ne pas savoir, de ne pas parvenir à parler ; et lorsque Katherine et Alex (George Sanders) se parlent, c’est davantage l’écume de leur frustration qui apparait que de vrais reproches…
Le récit est très habilement présenté. On y découvre graduellement, et au delà d’un couple qui, d’apparence, s’exaspère, au milieu de comparses qui ne vont jamais vraiment interférer sur leur vie (j’excepte, bien sûr, la brève aventure rêvée, purement virtuelle, qu’Alex, à Capri, pense qu’il pourrait avoir avec Maria – Maria Mauban -), et sans qu’il y ait d’intrigue autre qu’adjacente (le projet de vente d’une magnifique villa héritée d’un oncle mort), on y découvre donc, la nudité de sentiments mis au devant par le voyage, au fur et à mesure de l’ancrage du temps.
Roberto Rossellini filme, en 1953, avec une attention particulière Ingrid Bergman, avec qui il était marié depuis 1950 ; rien ne peut laisser penser que leur histoire amoureuse puisse ici affleurer, même si le couple se sépara en 1957 ; il est singulier de constater que Voyage en Italie, à l’exception de l’épisode de Capri, se déroule prioritairement sous l’éclairage féminin, les monologues explicatifs étant ceux de la seule Katherine, l’attitude et les sentiments d’Alex surgissant alors de façon plus vive lors des conversations du couple…
Absence de psychologisme à deux balles, subtilité et nuances : un grand film !