Divorce à l’italienne

Acide et délicieux !

Qu’est-ce que c’est bien, qu’est-ce que c’est narquois, drôle, féroce, mais jamais méchant, ce Divorce à l’italienne à l’intrigue apparemment si désuète, apparemment si datée (la revendication du divorce dans l’Italie du début des années Soixante) et à la pertinence, à l’actualité évidentes !

C’est toujours rosse, toujours subtil, même lorsque Germi ne mégote pas avec les ingrédients habituels de la farce. Récurrence des séquences où Agnese (Angela Cardile), la sœur du baron Fefè Cefalù (Marcello Mastroianni) est surprise en situation scabreuse avec son soupirant Rosario Mulè (Lando Buzzanca), les fantasmes assassins où Féfè rêve de la façon dont il pourrait zigouiller sa femme Rosalia (Daniela Rocca), la poignardant, l’enfonçant dans des sables mouvants, la livrant à une balle perdue d’un règlement de comptes maffieux.

Toujours subtil, parce que jamais dupe : la balance est égale dans le sarcasme, que ce soit à l’égard du curé d’Agromonte, qui appelle en chaire à voter pour la Démocratie chrétienne ou tonne contre l’impudicité de La Dolce vita ou à celle des militants du Parti communiste, avant-garde militante du Progrès, exclusivement composée de machos qui dansent entre eux, faute de femmes et qui, dans une séquence hilarante,  traitent de Putana ! Rosalia qui s’est enfuie pour vivre son histoire amoureuse…

Finesse, rythme, musique sautillante, légère, capricante de Carlo Rustichelli, jeu exceptionnel de Mastroianni, époustouflant en séducteur gominé, gommeux, soucieux, satisfait, important, montant une machinerie compliquée pour se débarrasser de Rosalia, lui cherchant un amant possible, la promenant dans la pudibonde (mais alléchée) Agromonte en robe moulante, la montrant à l’opéra ou à l’église jusqu’à ce que, miraculeusement, son amour de jeunesse survienne et que le piège se referme.

Si Mastroianni est superbe, si Daniela Rocca joue les idiotes énamourées et frustrées à merveille, Stefania Sandrelli n’est que jolie, jusqu’à la dernière scène, profondément jouissive ; mais la galerie des personnages secondaires, de l’une et l’autre des familles, et tout autant de la ridicule bourgeoisie d’Agromonte, mielleuse, hypocrite, cruelle, d’une médiocrité rassise et satisfaite est remarquablement bien dépeinte…

Et puis des vues bien belles sur l’Italie du Sud, sur la Sicile, qui me semblent bien plus réussies que celles de l’ennuyeux Guépard ; l’enterrement de Don Gaétano (Odoardo Spadaro), la grave harmonie des cuivres, les amis qui tiennent les cordons du poêle, la famille éplorée, les femmes endeuillées, les hommes graves, c’est magnifique.

Un film brillant, drôle, nerveux ; un vrai plaisir !

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