Comment se fait-il que, tout en reconnaissant d’infinies qualités à Assurance sur la mort, au rythme impulsé par la mise en scène de Billy Wilder, à la qualité de la photographie de John Seitz, à l’efficacité de la musique de Miklós Rózsa, au jeu des acteurs principaux, Fred MacMurray, Barbara Stanwyck et – très au dessus, Edward G. Robinson – comment se fait-il que je ne parvienne pas à m’emballer et à avoir, pour un film révéré par nombre d’amateurs passionnés, le même enthousiasme ?
Peut-être parce que je n’accroche pas trop au cinéma de Wilder et que, à part Boulevard du crépuscule qui jadis m’a scotché, mais qu’il faudrait bien que je revoie pour me le remettre en tête, je trouve le cinéma de l’auteur du surévalué Certains l’aiment chaud un peu vain, un peu extérieur, un peu désinvolte, à l’image d’Irma la douce ou de La vie privée de Sherlock Holmes, qui sont, il est vrai, des films qui se veulent spirituels et drôles.
Dans un film aussi noir qu’Assurance sur la mort, les protagonistes sont à peu près uniment sans scrupule et sans intérêt ; aussi bien Walter et Phyllis (Fred MacMurray et Barbara Stanwyck) les deux amants unis par un pacte mi-amoureux, mi-crapuleux, que Dietrichson, le mari assassiné (Tom Powers) ou Norton, le patron de la compagnie d’assurance (Richard Gaines) ; la jeune Lola Dietrichson (Jean Heather) est une oie blanche insignifiante, amoureuse d’un raté grognon et peu scrupuleux, Nino Zachetti (Byron Barr) ; le seul personnage vraiment intéressant et chaleureux, c’est le chef du contentieux de la société, Barton Keyes (Edward G. Robinson), malgré ce qu’on pourrait appeler une sorte de névrose obsessionnelle à démonter les supercheries…
Il y a donc là beaucoup de matériaux très glauques, très sales, très puissants, très bien traités, des images obsédantes remarquables, et pourtant ça ne me prend pas complètement…
Ce que je ressens n’a pas, en soi, beaucoup d’intérêt ; Assurance sur la mort est un excellent film, palpitant et intelligent, bâti sur une histoire subtile et bien fichue, constellée de dialogues étincelants, de Raymond Chandler (la scène de séduction mutuelle initiale est un pur chef-d’œuvre). C’est impeccable, efficace du début à la fin, très construit, très subtil ; l’histoire, adaptée d’une nouvelle de James M. Cain, est habile et impeccablement menée ; après tout, que le plus brillant courtier d’une compagnie d’assurance, dont le supérieur hiérarchique excelle à déceler les tentatives d’entourloupes, s’ingénie, grâce à, précisément, sa connaissance intime des dites entourloupes, à essayer de rouler sa compagnie est assez excitant ; et il me semble que le meilleur du film, d’ailleurs, est dans la relation affective qui unit Walter Neff (Fred MacMurray) et Barton Keyes (Edward G. Robinson) ; mais l’histoire de la relation ambiguë qui unit le même Neff à Phyllis Dietrichson (Barbara Stanwyck) n’est pas mal venue du tout…
Seulement, ça s’éparpille un peu ; en tout cas ça me semble toujours du spectacle. Ça doit être de ma faute.