Occupe-toi d’Amélie !

occupe_toi_d_amelie_1949_1C’est bien ennuyeux,  le théâtre…

Qu’y faire ? L’adaptation au cinéma d’une pièce de théâtre continue à me décontenancer, ou, pour être franc, à m’ennuyer gravement, quelles que soient les qualités de l’auteur (Georges Feydeau – ce qui se fait paraît-il de mieux en matière de vaudeville bien troussé), du réalisateur (j’ai suffisamment écrit ici et là combien je tenais Claude Autant-Lara pour un des metteurs en scène majeurs du cinéma français) et de l’équipe qui l’entoure (le musicien René Cloërec, le décorateur Max Douy, les adaptateurs et scénaristes Pierre Bost et Jean Aurenche) et des acteurs (Danielle Darrieux, dans l’éclat de sa trentaine : le film lui remit le pied à l’étrier. Grégoire Aslan est absolument parfait, jouant au mieux de son physique à la Groucho Marx; mais il est vrai aussi que Julien Carette en fait un peu trop, et que Jean Desailly est déjà rondouillard et mou – il est vrai encore que les personnages qu’ils interprètent vont plutôt dans ces sens).

19028550.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMalgré quelques idées astucieuses, subtiles même – les articulations entre les trois actes qui voient le cinéma s’introduire dans les coulisses du théâtre et se jouer des faux-semblants qui lui sont inhérents – ça ne parvient jamais à transcender le niveau d’une pièce de boulevard, si réussie qu’elle est : ça fait dans le frénétique, le surexcité, l’hystérique quelquefois, ça incite aux mines, aux poses, aux outrances de gestes, de jeu et de voix (le pénible accent belge de Victor Guyau, qui joue l’oncle Van Putzeboom). Bien sûr, quelques dialogues sont étonnants de vivacité (la rencontre dans l’escalier des deux viveurs désargentés qui veulent mutuellement s’emprunter Un louis) et il y a de bons mots (Le prince de Palestrie – Grégoire Aslan – offre à Amélie – Danielle Darrieux – un gros diamant. C’est un solitaire ! lance-t-il se rengorgeant ; C’est peut-être son seul défaut !, soupire Pochet, le père d’Amélie – Carette). Les quiproquos fonctionnent, la mécanique du boulevard s’enchaîne.

Ça me reste bien extérieur, et c’est bien artificiel. Dans un des suppléments de la bonne édition DVD, l’historien du cinéma Alain Riou raconte que Madeleine Renaud qui avait joué le rôle d’Amélie se présenta à Autant-Lara et, éconduite, usa des pieds et des mains et de son aura de grande Résistante pour torpiller la production (rien d’étonnant : puant personnage). Et Riou explique que Renaud n’aurait pu, au cinéma, être le personnage d’une cocotte ravissante et légère, ce qui pouvait bien passer sur la scène, car le théâtre n’oblige à aucun réalisme. Cette observation très juste montre ainsi les limites de la transposition.

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