L’étoile du Nord

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Dans la suie et la pluie…

Que serions-nous devenus si des gens comme Granier-Deferre n’étaient pas arrivés, au début des Années Soixante-Dix pour redonner au paysage cinématographique français, dévasté par la Nouvelle Vague et les billevesées Soixante-Huitardes (oui, je sais, j’aime et défends La maman et la putain ! Et alors ? J’ai droit à la contradiction, non ?), pour redonner donc à notre cinéma cette touche de « qualité française » qui pendant longtemps remplit les salles et attacha au cinéma des générations d’adolescents ? Il y avait Melville, bien sûr, mais si seul, si atypique…

En 1971, Granier-Defferre tourne coup sur coup Le chat et La veuve Couderc, en 1973 Le train ; Simenon adapté par lui et par Jean Aurenche qui, après des années de persécution refait surface ; en 1974, Tavernier tourne L’horloger de Saint-Paul (encore un Simenon adapté ! quelle mine !) puis en 1975, Que la fête commence. C’est reparti ! La camarilla des « Cahiers » ne terrorise plus personne… Et Sautet aussi est arrivé ! (Les choses de la vie sont de 1970).

L’étoile du Nord est de 1981 ; une adaptation de Simenon encore, encore une collaboration avec Jean Aurenche ; et, au bout un film magnifique.

Le gros du récit se passe dans une pension de famille ; comme dans L’assassin habite au 21 ? Oui, mais l’atmosphère n’est pas sarcastique et jubilatoire ; et ça ne se passe pas à Paris, avenue Junot, mais dans le Borinage, à côté de Charleroi, au milieu de la suie, de la pluie, des usines à allure de dinosaures hostiles, sous le ciel bas des plats pays, dans un de ces endroits où, comme l’écrit Marcel Aymé on se prend à espérer « que la vie ne sera pas désespérément longue ». La pension est tenue par Louise Baron (Simone Signoret), formidable, comme toujours.

En contraste absolu et en contrepoint, l’Egypte, lumineuse et douce, tiède et raffinée, d’où reviennent Edouard Binet (Philippe Noiret) qui a été le confident, l’homme à tout faire d’une grande chanteuse orientale, sensuelle et excentrique, et Sylvie Baron, fille de Louise (Fanny Cottençon, qui a trouvé là son meilleur rôle), pute de luxe et brave fille…. Sylvie, sur le paquebot du retour, rencontre un riche homme d’affaires pas très net..

On peut juger l’anecdote un peu convenue, les péripéties un peu prévisibles, n’empêche que c’est drôlement bien fait ! Distribution des seconds rôles impeccable (la « Qualité française », vous dis-je !) avec une mention spéciale à Julie Jézequel, qui joue Antoinette, soeur de Sylvie et souillon de la pension, impeccable en adolescente vicieuse et mauvaise comme une teigne.

Les dernières séquences du film, Granier-Deferre étant gravement malade, ont été tournées par Bertrand Tavernier ; il y a du souffle et du mouvement dans ce départ des bagnards de Saint-Martin de Ré vers la Guyane et l’île du Diable !

Vraiment un excellent film !

Pierre Granier-Deferre, cinq ans après, a tourné encore deux films troublants et sulfureux, Cours privé et Noyade interdite, puis n’a pas échappé à une certaine médiocrité ; mais pendant quinze ans, quel bon artisan du cinéma français il a été !!

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