La chevauchée fantastique

affiche_chevauchee_fantastique_1939Westernissimo !

Mettant en pratique les sages observations de ceux qui me conseillaient récemment de ne plus perdre mon temps avec du Marcel Blistène ou de l’André Berthomieu, j’ai sagement regardé cette après-midi cette Chevauchée fantastique de John Ford, que je n’avais plus vue depuis au moins trente-cinq ans.

Je lis à peu près partout, dans des dithyrambes émus, que ce film de 1939 marque le début de la grande époque du western, le genre ayant été auparavant tenu très souvent en lisière de la série B, et qu’il en marque durablement les codes et les dimensions.

J’en suis d’autant plus convaincu qu’il ne manque pas un des éléments de la mythologie habituelle des rudes aventures de l’Ouest : décor désertique admirable de Monument Valley, entre Arizona et Utah, Tuniques bleues (qui arrivent toujours à l’heure, sauf lorsqu’elles arrivent trop tard ; mais elles arrivent toujours), villages poussiéreux, diligences affairées, Cheyennes qui sont coiffés d’une plume et qui, paraît-il, détestent les Apaches (qui, eux, ne sont pas emplumés), saloons enfumés à whiskies servis en quantités étonnantes, carabines Winchester et revolvers Colt, les unes et les autres d’une étonnante précision puisque chaque tir dirigé contre le sauvage indien abat son homme, quels que soient les cahots de la route…

J’ai l’air de me moquer, comme ça, et de fait je me moque un peu, mais pas tout à fait. Si je suis personnellement assez insensible à ce qui a bien pu arriver aux États-Unis après le regrettable incendie d’Atlanta, je reconnais bien volontiers que le film de Ford est de la sacrément belle ouvrage, supérieurement interprété par une excellente distribution d’acteurs solides. Thomas Mitchell reçut d’ailleurs l‘Oscar du meilleur second rôle pour son interprétation du médecin alcoolique Josiah Boone ; j’ai pour ma part beaucoup apprécié John Carradine qui joue le rôle de Hartfield, le joueur aussi raffiné qu’invétéré, mais je me soupçonne d’être de parti-pris, mon cœur ayant toujours battu pour les Sudistes…

Il est un peu abusif d’évoquer un décalque du Boule-de-suif de Maupassant, même s’il est vrai que la réunion dans un espace restreint de plusieurs protagonistes assez caricaturalement différents en reprend l’idée première. Mais enfin, au contraire de Boule-de-suif, envoyée par la bonne conscience de ses compagnons de voyage coucher avec les Prussiens, la prostituée Dallas (Claire Trevor) ne va pas fricoter avec les Apaches. Et pour qui voudrait découvrir une adaptation un peu plus fidèle, je conseille le film de Christian-Jaque, mieux qu’honnête et qui a l’avantage d’offrir pour le même prix l’histoire de Mademoiselle Fifi. Cela étant, le huis-clos et les divergences de caractère donnent toujours une bonne base aux scénarios.

C’est tout de même à mon goût un peu sommaire pour être rangé au paradis du cinéma ; si spectaculaires qu’elles sont, les images du désert, encore embellies par des ciels plein de nuances, sont un peu trop assénées et les personnages sont terriblement typés, jusqu’à l’invraisemblance (ainsi lorsque le Docteur Boone déconseille à Dallas, la prostituée, d’accepter la proposition de mariage de Ringo (John Wayne) qui risque, en allant au bout du voyage d’apprendre beaucoup de choses sur (son) compte, comme si Ringo ne savait pas quel métier la jeune femme exerce…).

Une observation amusante : ce prénom – ou surnom de Dallas pour une femme, on le retrouve, trente-deux ans plus tard porté par Elsa Martinelli dans Hatari d’Howard Hawks, avec… John Wayne. Il n’y a pas de hasard…

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