On purge Bébé

Gentil brouillon.

Je ne classe pas ce film très alerte au rang où certains le mettent, et je ne veux pas lui donner une note considérable.

C’est, sans doute, que je ne suis guère amateur de ces vaudevilles grivois, en y reconnaissant pourtant, d’éclatantes qualités. C’est un genre qui marche au théâtre, où le déferlement des rires et l’entraînement des hilarités, l’envie qu’on a de se lâcher, la chaleur communicative de la salle font passer une excellente soirée, une soirée qui pourtant ne fait pas date. Mais c’est souvent douteux, complice, plein de clins d’œil salaces et, pire encore, graveleux.

Il est vrai qu’on peut s’émerveiller, précisément, qu’une courte saynète qui tourne autour de la constipation, de la purgation et du cocuage, tutoyant ainsi la plus grossière des pentes, parvienne à n’être pas atterrant. Génie de Feydeau et génie de Renoir, sans doute ; mais on craint ce que peut donner On purge Bébé joué par une troupe d’amateurs.

C’est dire aussi que le film de Renoir bénéficie de deux miraculeuses présences : celle de Michel Simon aussi parfait qu’à l’habitude, tour à tour cérémonieux, inquiet, stupéfait, révolté par l’aventure incongrue qui lui survient et, peut-être encore davantage celle de Marguerite Pierry dont c’était pourtant le premier rôle au cinéma.

on-purge-bebe-1931-01-gMarguerite Pierry, tous ceux qui fréquentent un peu le cinéma des années Trente à Cinquante la connaissent, ou plutôt la reconnaissent sans toujours pouvoir la nommer. Elle se glisse ici et là, au détour d’un Guitry, souvent, mais aussi d’un Couzinet, d’un Loubignac, d’un Teboul : rire de gorge à la fréquente limite de l’hystérie, œil allumé à la fréquente limite de la folie, elle peut être pleine d’abattage et révolutionner les cadres, ou doucereuse, mielleuse, comme une araignée vicieuse tapie quelque part. Très souvent fofolle, un peu ridicule, il lui arrive d’être inquiétante… Elle n’a malheureusement jamais rencontré un rôle à la mesure de son singulier physique et de son jeu souple et s’est contentée d’être une de ces Excentriques du cinéma français qui animaient les salles obscures et faisaient ressentir aux spectateurs un soupir d’aise, comme devant une vieille connaissance un peu farfelue…

Film tourné en moins d’une semaine, et qui connut un grand succès public (il est vrai que, dès qu’on parle de pipi et de caca, les foules affluent et se bidonnent à se faire sauter la sous-ventrière),  mais qu’on ne peut classer, dans la filmographie de Jean Renoir que comme utilitaire…

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