God’s country

Insolite Amérique.

Il y a un Louis Malle documentariste qu’on a un peu oublié, alors que c’est avec le commandant Cousteau qu’il a fait ses premières armes et obtenu le grand succès du Monde du silence, Palme d’Or cannoise de 1955. Puis, au cours d’une carrière assez sinueuse, mais presque toujours intéressante, il reviendra périodiquement, entre les longs métrages de fiction, à ce cinéma-vérité de l’image brute, en touche-à-tout de talent, volant des cyclistes de Vive le tour aux Hindous de Calcutta en passant par les ouvriers des chaînes rennaises de Citroën de Humain, trop humain.

Il y a un Louis Malle qui, fatigué par les polémiques infantiles déclenchées par Lacombe Lucien, part s’exiler aux États-Unis, y tourne des films très particuliers : singulier (La Petite), bizarre (My Dinner with André), excellent (Atlantic city). Et des documentaires.

God’s country est l’exploration, faite en 1979, revisitée en 1985 de Glencoe, bourgade ennuyeuse et plutôt moche du Minnesota, un de ces États immenses, plats, glacés et mortels d’ennui du Middle West ; le Minnesota est mitoyen du Dakota du Nord, où se passe le Fargo des frères Coen ; comme son voisin, il est peuplé très majoritairement d’Européens du Nord, Scandinaves ici, Allemands là et la vie y apparait d’un calme absolu, loin du frémissement et des fièvres des métropoles et des cosmopolitismes.

Rien ne bouge, ou si peu… tout le monde se connaît, se situe dans la longue suite des générations et des habitudes… On a toujours l’impression, en Europe, que l’Amérique, c’est moderne et conquérant, et, finalement, on se croirait presque au fin fond du Rouergue ou du Morvan… Simplement les voitures sont plus longues, les tracteurs plus impressionnants, les rituels sociaux plus hospitaliers, et les nourritures paraissent dégueulasses.

Louis Malle filme la paix des jours avec le talent d’empathie qu’on lui connaît, qui ne porte jamais de jugement sur le comportement des hommes, qui admet la singularité des humains avec la même indulgence. Chacun vit comme il veut vivre, et c’est très bien ainsi…

Seulement lorsqu’il revient sur les lieux, en 1985, six ans après sa première visite à Glencoe, le climat a changé, les propos sont souvent plus moroses ; crise économique, surcroît de taxes et de charges, comme le disent certains ? Ou mutation d’un monde qui est de moins en moins immuable et de plus en plus frénétique ? Va savoir…

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