Le blé en herbe

Un peu amidonné.

Le 4 que j’avais mis, sur la foi de mes souvenirs, ne tient pas, au choc des années. 3 est trop peu ; glissons un 3,5, ou un 3,6. Convenons que la qualité du DVD est absolument remarquable, image et son restaurés, que les suppléments ne sont pas mal du tout et comportent – heureuse initiative ! – un des huit (sic !) sketches des Sept péchés capitaux ; dans ce sketch, de 1951, L’Orgueil, Autant-Lara totalement fidèle à sa veine grinçante et méchante, emploie au mieux Michèle Morgan, Françoise Rosay, Jean Debucourt, Louis Seigner… Un petit bijou de cruauté…

J’écrirais presque que c’est cette rareté qui m’a le plus intéressé dans ce DVD du Blé en herbe. D’abord – iconoclastie assumée – je ne tiens pas Colette pour un écrivain français majeur et je m’étonne qu’elle soit éditée en quatre tomes de Pléiade, alors que, par exemple, Jules Romains, vrai concepteur d’univers, n’y est pas même annoncé (au contraire de – ô surprise ! – Pierre Drieu La Rochelle qui paraîtra cet automne).

Mais je m’égare sans m’expliquer… En fait, je pense que Colette a été largement servie par sa vie de femme libérée avant l’heure, ingénue libertine, complice coquine de son Willy de mari, débutante déjà un peu sulfureuse avec la série des Claudine, amante affichée de la marquise (hommasse) de Morny (Missy), danseuse nue de music hall, divorcée, mariée avec Henry de Jouvenel, puis initiatrice et maîtresse du fils de son mari, Bertrand ; voilà qui suffisait, dans la première moitié du dernier siècle, à vous assurer une réputation…

Mais je serais injuste de ne pas créditer Colette d’une langue drue, vigoureuse, sensuelle, pleine d’odeurs de campagne et de vitalité. Styliste peut-être encore davantage que romancière, donc ; mais un talent d’écriture fait-il un talent d’écrivain ?

Donc, Le blé en herbe, cette histoire très simple de l’éveil à la sensualité de deux adolescents, Phil et Vinca (Pierre-Michel Beck et Nicole Berger), pendant les vacances, sur les rugueuses et pluvieuses plages de la Bretagne du nord. Éveil à la sensualité qui sera, en quelque sorte cristallisé par la présence d’une femme déjà mûre et encore très belle, Mme Dalleray (Edwige Feuillère)  ; est-ce par un caprice sensuel, une envie de se prouver que le crépuscule n’est pas encore tout à fait là, un jeu un peu pervers, une fatalité d’évidence, qu’elle ouvre sa porte et son lit à Phil ? Elle sait bien, tout de même, l’ambiguïté de la situation : Vous venez cherchez avec moi ce que vous n’osez pas lui demander dit-elle à Phil, parlant de Vinca.

Qu’est-ce qui va se passer, alors que, sous la pluie d’Erquy, on replie les chaises longues et les parasols et que les malles reprennent le chemin de Paris ? Phil et Vinca sont venus dire Au revoir à leur plage favorite ; que vont-ils faire désormais ?

C’est qu’à dire vrai, on s’en fiche un peu, tant les deux adolescents sont crispants, exaspérants, irritants ; oubliant qu’ils ont l’un 16 ans et demi, l’autre 15 ans, on a envie de leur dire Allez-y ! pendant tout le film, d’autant que les parents sont aussi agaçants qu’insignifiants.

the-game-of-loveIl paraît qu’Autant-Lara avait pensé à Marlene Dietrich pour incarner La Dame en blanc ; devant son refus, il n’a pas du tout perdu au change en employant Edwige Feuillère, à la voix lassée déjà et à la grande allure ; si j’apprécie beaucoup Nicole Berger, si prématurément morte dans un accident de voiture, j’ai trouvé Pierre-Michel Beck très mauvais, emphatique et outrancier ; aujourd’hui loin du cinéma, il explique assez gentiment dans un des suppléments du DVD combien il a été décontenancé par l’environnement du film, l’indifférence à son endroit de ses partenaires, notamment… Dur métier.

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