Heat

heatposterUn inconnu vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère…

Ah, c’est bien, très bien, de la première à la dernière image, et les 2H40 du film passent sans qu’une seule fois on regarde le minuteur, tant la tension, le rythme, la densité des péripéties tiennent haletant et propice à l’admiration ! Moi qui n’ai pas une grande passion pour les États-Unis d’Amérique en général, et pour leurs films policiers en particulier (à de notables et nombreuses exceptions près), je me suis laissé envoûter par ce film d’un Michael Mann dont, par ailleurs, j’ignore tout.

Et ma note irait même vers celle réservée aux chefs-d’œuvre si, chipotant un peu, je n’avais trouvé les héroïnes féminines assez pâles. Il est vrai que, pour affronter la comparaison avec Robert De Niro et Al Pacino, il faut avoir un sacré coffre. Et, à dire vrai, dans la même catégorie, pour ce film, je ne vois que le vétéran Jon Voight, qui est au même niveau que dans Macadam cow-boy et Délivrance, avec cette faille épuisée qui le rend si essentiel.

Heat est bluffant du début à la fin parce que les scènes d’anthologie ne font pas la part trop belle aux effets spéciaux, aux explosions, aux corps déchiquetés, aux impacts des bagnoles qui s’entrechoquent et des balles qui trouent ; il y a cela, bien sûr, mais ces effets là sont au service du récit et non pas, comme trop souvent, imposés aux protagonistes pour constituer une tambouille à la fois très spectaculaire et très vite oubliée. En d’autres termes, les images sont au service du récit, et non le contraire.

heat-largeTout est soigné, dans Heat, et notamment les dialogues, denses, intelligents, pertinents, nerveux, mais aussi la manière de filmer… Je dois dire que Los Angeles n’est pas une des cités qui me donnent envie de la visiter, au contraire de Prague ou de Saint-Pétersbourg, mais je reconnais qu’est magnifique l’image de l’immense mer de lumière qui apparaît souvent sous les yeux de McCauley (De Niro) et de Eady (Amy Brenneman), la jeune femme dont il fait miraculeusement la connaissance, au cours d’une scène très douce et très intelligente.

Il y a une sorte de montée chromatique dans la violence et dans la tension qui fait qu’on oublie vite qu’on ne sait rien, et ne saura guère ce qu’ont été les vies antérieures de McCauley et de son adversaire Hanna (Pacino) ; mais l’intelligence du film est telle qu’on parvient à reconstituer la complexité des personnalités et à se retrouver avec deux types à la fois opposés et complices. Je ne connais guère de films où l’on éprouve une même empathie pour le chasseur et le chassé et, finalement, pour deux types centrés l’un et l’autre sur la même obsession, parallèle et antagoniste (je ne suis pas sûr d’être scientifiquement correct, là).

Et pourtant les deux types sont deux fous furieux, prêts à tout pour ressentir leur grand orgasme : Hanna, lors de la chasse des malfaiteurs après l’attaque de la banque, tire sans beaucoup de réflexion sur Cherrito (Tom Sizemore) qui tient dans ses bras un otage, en prenant le risque de tuer la petite fille. McCauley, au moment où il pourrait s’enfuir avec Eady, ne se résout pas à laisser cette canaille de Waingro (Kevin Gage) couler de jours tranquilles : l’un et l’autre ne vivent que par l’émotion quasiment sexuelle qui les anime au moment de l’action.

Un film intelligent, profond, triste sans mièvrerie. Un bon film, un grand film.

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