Belle mise en images.
Sans avoir beaucoup de justification, je ne suis pas très à l’aise avec le cinéma de Tim Burton ; ou alors je me dis que c’est pour des raisons un peu bancales et mal étayées : parce que je me suis mis en tête que ses films sont destinés aux adolescents, en m’appuyant sur Edward aux mains d’argent, Charlie et la chocolaterie, Alice au pays des merveilles, voire Batman et que la violence et la morbidité de beaucoup de séquences me plongent en pleine interrogation et que cette ambiguïté me gêne. Mauvaises raisons donc, parce que je sais bien, par ailleurs, que l’enfance et l’adolescence se complaisent dans les chroniques et récits de terreur, que les images violentes fascinent la jeunesse davantage encore que la maturité, et que les jeunes générations, par surcroît, sont tellement familiarisées avec les pires des horreurs que je me sais en porte à faux.
Sleepy Hollow est une remarquable illustration de ce grand écart entre la beauté juvénile des héros, Ichabod Crane (Johnny Depp), Katrina Van Tassel (Christina Ricci) et l’enfant Masbath (Marc Pickering) et les terrifiants développements de l’intrigue ; l’empathie que le jeune public des salles peut ressentir pour ces représentants idéalisés de son âge tire le film vers de classiques aventures à la Jules Verne, où des jeunes gens inventifs, courageux et purs dament le pion aux noirceurs des adultes. Mais parallèlement le nombre étonnant de têtes coupées à vif, les flots de sang qui jaillissent de l’arbre maléfique où sont entreposées les dépouilles des assassinés, l’aspect démoniaque du Cavalier sans tête aux dents limées (Christopher Walken), la nuit venteuse, la forêt torturée, la photographie gris-vert de ce monde où la tâche rouge de l’oiseau-cardinal devient presque apaisante, instillent un climat de malaise assez pesant qui n’a rien des contes pour enfants.
La faiblesse essentielle de Sleepy hollow me semble résider dans le déroulement de l’intrigue, à la fois extrêmement compliquée, mais au dénouement rapidement prévisible. La répétitivité des péripéties de l’hécatombe finit aussi par lasser.
En revanche l’aspect visuel du film est extrêmement réussi, d’une esthétique morbide flamboyante, qualité habituellement prêtée à Tim Burton à juste titre. Certains critiques bien inspirés, et le témoignage de Burton lui-même voient dans de nombreuses séquences de Sleepy Hollow un hommage déférent rendu aux réalisations gothiques de la mythique Hammer ; et il est vrai qu’on se sent fréquemment dans le climat hostile des Carpathes et du col de Borgo (mais manque toutefois, et pour cause, sur un piton escarpé le nid d’aigle de Dracula). Mais j’ai vu aussi, dans les teintes pâles, rouillées de la forêt de la fin d’automne, l’angoisse palpable immédiate du Projet Blair witch…
Le problème, c’est que ça n’a pas réussi à me faire peur…