Le couteau dans l’eau

La peur qui monte…

Dès son premier long métrage Roman Polanski marque sa réalisation par plusieurs des constantes et obsessions qu’il développera durant toute sa carrière de Cul-de-sac à Ghost writer en passant par Répulsion, Rosemary’s baby, Le locataire, Lunes de fiel, La jeune fille et la mort : le malaise qui s’insinue par un décalage insignifiant au début et dramatique ensuite, les rapports ambigus de la victime et du bourreau, le huis-clos qui les enferme souvent dans une atmosphère étouffante.

Étouffante, l’atmosphère, même si le récit se passe sur le miroir métallique d’un lac de Mazurie, au nord-est de la Pologne, cerné de roseaux envahissants et de bouleaux maigres, lors d’un été mouillé, sous un soleil fragile. Les moyens employés sont bien modestes encore, mais ils sont superbement utilisés : la mise en place des protagonistes est posée avec une grande concision, mais suffit à caractériser les personnages mais aussi, déjà, leurs rapports et leurs interactions : la façon dont André (Leon Niemczyk), le journaliste qui a réussi et qui en éclate d’orgueil et de contentement de soi traite Christine (Jolanta Umecka), qui est à la fois sa femme et – si je puis dire – l‘intitulé de son bateau (ce qui en dit assez long sur sa jactance).

d0117645_2035113Une poussière vient se glisser au milieu de cette alchimie médiocre : un jeune type qu’André prendrait volontiers comme faire-valoir, comme une occasion supplémentaire de montrer, de prouver à Christine qu’il est un homme assis, arrivé, stabilisateur et incontournable. Un jeune type qu’il espère fragile, susceptible d’être dominé, et finalement d’entrer dans le jeu.

Mais ça n’est pas comme ça que ça se passe ; pour des riens, pour de tout petits détails, qui seraient insignifiants si ne montaient, entre les deux hommes, une animosité réelle, une concurrence de coqs de village, une agressivité de peaux. Jusqu’à ce que cette exaspération mutuelle aboutisse au drame.

À ce qui pourrait être le drame, mais qui ne l’est pas. En fin de compte, André et Christine vont reprendre une vie médiocre, abimée par l’incertitude, le doute, le soupçon.

Est-ce que Polanski n’a pas toujours filmé là-dessus ?

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