Mes chers amis

On reste seul. Et pour toujours.

Patrick Brion, dans la présentation qu’il a faite de Mes chers amis au Cinéma de minuit, cite Monicelli, qui insiste sur le pessimisme fondamental du film : l’amitié un peu factice qui ne réunit les complices que pour qu’ils s’amusent ensemble, se fichant bien du reste, sur ces liens sans profondeur qui les unissent, sur l’absence de tout sentimentalisme. Et il parle, à propos du film de Composante de mort.

La mort est là qui rode, dans ce qui fait rire, dans ce qui peut paraître énorme, boursoufflé, grossier, excessif, outrancier. Mort de Perozzi (Philippe Noiret) qui conclut le film. Mais aussi envie terrible d’achèvement de la femme (Milena Vukotic) de Maschetti (Ugo Tognazzi) qui ouvre le gaz pour ne plus poursuivre la déchéance que son mari lui fait subir ; et, en demi-teinte, plus sourdement, évocation par la femme (Franca Tamatantini) de Necchi (Duilio Del Prete) de cet enfant mort qui pèse sur toute sa vie.

Les premières images du film sont glaçantes : Perozzi, qui a été abandonné par sa femme, qui est méprisé par son fils, quitte au petit matin sale, harassé, las, la bouche amère, le journal où il est un anonyme grouillot, cherche désespérément à ne pas aller dormir, va débusquer l’architecte Melandri (Gastone Moschin), affligé de la femme qu’il a ravie au professeur Sassaroli (Adolfo Celi). Puis le comte Maschetti (Ugo Tognazzi), une des plus poignantes figures d’égoïsme qui se puissent, qui vit dans un taudis avec femme et fille, cet homme qui déserte à chaque minute de sa vie… (Aujourd’hui, elles n’ont que deux oignons à manger ; tant mieux : ça leur coupe l’appétit quand elles se font du souci). Et Necchi, sorte de gigolo parasite…

amici_mieiLe film s’assèche au fur et à mesure qu’il progresse, devient plus grinçant, plus méchant, plus méprisant envers l’Humanité qu’il survole ; farce du village que doit couper en deux l’autoroute et où les complices font croire à des paysans butés et soumis d’avance que leurs maisons vont être démolies ! Du grand art ! Et la résignation de ces pauvres gens ne vous fait-elle pas penser à ces bêtes brutes du bistrot de La traversée de Paris où Grandgil/Gabin lance son Salauds de pauvres ! ? ; et la séquence où les quatre complices tirent au sort celui qui paiera le repas de Maschetti est un trésor d’humanité souffrante et épouvantable qui justifierait à elle seule la passion que nous sommes nombreux à éprouver pour ce film (Eh oui, le comte Lello Maschetti a dilapidé deux fortunes, la sienne et celle de sa femme…)

Mes chers amis, comme l’a dit Monicelli, est un film sans sentimentalisme, sans sentiment, sans chaleur, sans tendresse aucune ; un film où la vie est vécue avec la férocité des enfants, où personne ne se préoccupe de l’autre…

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