Finalement insupportable.
Comme j’apprécie d’ordinaire autant Éric Rohmer que Fabrice Luchini, et malgré une retenue naturelle pour le côté exercice de style que je savais être Perceval le Gallois, je me suis projeté le film cette après-midi pendant deux heures qui m’ont paru sinon interminables, du moins bien longues.
Assez bêtement, je me disais que le parti-pris des décors en carton pâte, volontairement naïfs, étaient, d’une certaine façon, la préfiguration des extraordinaires incrustations numériques qui rendent si intéressant L’Anglaise et le duc (où l’on songe à la magie d’un Georges Méliès). Sans en être familier, je connais tout de même un peu les Livres d’heures médiévaux et le style particulier des enluminures où les proportions et les perspectives ne sont pas celles que nous avons coutume de voir. Je peux donc parfaitement concevoir qu’Éric Rohmer ait choisi, un peu par manque de moyens, beaucoup parce que c’est une orientation qui se défend, d’aller vers ce total irréalisme.
De la même façon, je ne crois pas contestable d’avoir proposé une adaptation en octosyllabes à fortes tonalités archaïsantes d’un texte ancien qui se rattache aux légendes autour du Graal. Et puis l’exaltation des vertus de la chevalerie n’est pas déplaisante.
D’une certaine façon, c’est tellement artificiel et verbeux que l’exaspération – qui vient vite – devant cet exercice de style assez vain, devient, au bout de quelques séquences et d’une demi heure, fascination : on se prend au jeu, si éloigné de nos codes et on se laisserait finalement presque séduire… si le film ne dépassait pas une durée convenable. De fascination, on repasse en agacement et en lassitude et on est bien content lorsque c’est fini.
C’est très dommage, parce que, même lorsqu’il dérape (et c’est assez souvent), on a plaisir à aller chercher chez Rohmer une certaine forme rare d’intelligence, de culture et de civilisation. Mais là, il dépasse tout de même pas mal les bornes du supportable.