La discipline, force principale des armées…
La guerre est finie ! beugle le malheureux Bruno Grauber (Franco Nero), qui n’y comprend rien quand ses compatriotes le bouclent avec son camarade Reiner Schultz (Larry Aubrey) dans une cage d’isolement. Mais non, pauvre couillon, la guerre n’est pas finie… Est-ce qu’on démobilise le jour de l’armistice ou même le jour de la capitulation ? Est-ce que les hommes reviennent dans leurs foyers ? Est-ce que la justice militaire cesse de fonctionner pour sanctionner pillages, viols et… désertions ?
Ceci qui est volontairement provocateur pour bien marquer qu’il n’y a rien qui m’ait étonné dans À l’aube du cinquième jour sinon le concours prêté par l’armée canadienne qui garde le camp de prisonniers allemands pour exécuter les deux pauvres types qui ont cru, l’un par roublardise, l’autre parce qu’il n’a pas vingt ans, pouvoir se sortir du merdier avant les autres. On me dira, ce qu’on dit toujours, que la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique, ce qui ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick.
La guerre est un fléau affreux, épouvantable, monstrueux, mais aussi inévitable que les raz-de-marée, éruptions volcaniques, tremblements de terre, épidémies, famines et tout le tremblement qui ravagent la pauvre humanité. Je ne crois pas qu’on ait trouvé beaucoup mieux que l’Armée pour gagner les guerres et ses conditions de fonctionnement ne sont pas et ne peuvent pas être celles qui régissent la Société quand elle est en paix (état forcément et structurellement provisoire).
Rien qui me choque dans l’organisation disciplinaire du camp : il est assez normal que les tentatives d’évasion faites par quelques individualistes soient réprimées parce qu’elles risquent de mettre en péril les conditions de vie de leurs 3000 camarades et, surtout, l’unité des prisonniers. je ne dis pas que c’est juste, je dis que c’est normal.
Mais ce qui me paraît terrifiant – puisque l’histoire est vraie – c’est que le commandement canadien n’ait pas pris la seule décision qui s’imposait : exfiltrer les deux déserteurs et les transférer dans un autre camp où leur histoire n’aurait pas été connue par leurs compatriotes. Je ne vois pas en quoi la chose aurait été impossible. Cette absurdité me plombe un peu le film. Mais c’est là qu’il faut évoquer la contagion du Mal et finalement au bout d’un conflit épouvantable, au milieu des ravages, la banalisation de l’horreur.
Le réalisateur Giuliano Montaldo tient un discours complexe, intelligent, subtil mais me semble ne pas avoir les moyens de le faire d’une façon vraiment satisfaisante. Est-ce que c’est son vraisemblable orthodoxie marxiste, par exemple, qui l’empêche de donner à ses personnages un peu de substance humaine ? On les voit comme des archétypes souvent caricaturaux ; le jeu des acteurs n’est pas en cause, mais sans doute la volonté démonstrative gage apparent d’objectivité, en fait grande sécheresse, un peu comme pour Sacco et Vanzetti, où j’avais déjà noté ce travers, qui rend moins efficace un discours d’une certaine richesse.
Je trouve l’édition DVD assez médiocre ; les images sont à mes yeux, pourtant généralement indulgents là-dessus, ternes et grumeleuses. Le parti de faire parler tout le monde – Allemands, Canadiens, Bataves – en italien, m’a agacé à plusieurs reprises. Et les beaux thèmes musicaux d’Ennio Morricone ne sont vraiment pas mis en valeur : curieux aveuglement.