Adhémar

Horrible !

Ah oui, c’est vraiment mauvais, très mauvais, médiocre de facture et de rythme et on est assez souvent peiné de voir accolés des noms qu’on admire ou tout simplement qu’on aime bien, à cette insignifiance. Même si je ne souhaite pas que l’oubli vienne ensevelir les milliers de films ratés réalisés depuis l’invention du cinéma parlant, j’aurais fait volontiers une exception pour celui-ci.

Qu’est-ce qu’on peut bien retrouver de Guitry dans Adhémar ? Encore moins que des sous dans les poches de la Grèce !

Deux bribes dans le générique, la distribution étant répartie entre Mesdames (Marguerite Pierry, Maximilienne, Meg Lemonnier, Jacqueline Pagnol – encore alors Jacqueline Bouvier -) et Messieurs (Andrex, Marcel Lévesque, Georges Bever) dans cet ouvrage inédit de Monsieur Sacha Guitry ; ces marques de courtoisie assez inattendues dans un générique marquent sans doute que Fernandel réalisateur marchait sur des œufs…

Puis, c’est vrai, la structure d’Assassins et voleurs, mais aussi un petit relent de Ils étaient neuf célibataires, dans cette sorte d’examen que les membres du comité créé pour sélectionner les disgraciés font passer aux candidats.

Et c’est tout ! Les péripéties s’enchaînent avec une mollesse coupable, les sous-entendus graveleux font florès, les dialogues sont malhabiles, les anecdotes sont invraisemblables et mal cousues entre elles… la plupart du temps trop longues ou mal rythmées : ainsi dans l’épisode de la milliardaire qui fait chercher de par le vaste monde le sosie parfait de son époux disparu… Doux Jésus ! Avoir la chance de disposer de Marguerite Pierry, la roucoulante voix de gorge et l’œil fou les plus remarquables du cinéma et en faire si peu, ou plutôt si pénible dans des gugusseries transformistes où Fernandel donne la pire caricature de lui-même ! J’en frémis encore…

Et pourtant, pourtant, quelque chose me vient en tête qui m’incite à redresser mon pouce trop brutalement dirigé vers le sol : l’idée, l’idée même et ce qu’elle peut montrer combien, en soixante ans (le film est de 1951), nous avons perdu en liberté d’expression et sommes entrés dans une société de révérence et de moralisme : essayons aujourd’hui de tourner un film où il soit question d’ouvrir une sorte d’hospice réservé aux moches, aux hideux, aux contrefaits, aux difformes, aux estropiés… Aussi cafardes l’une que l’autre la HALDE et la LDH tonneront et menaceront de procès, les vertueuses télévisions se voileront la face, il y aura des manifestations, des pétitions, des admonestations…

Freaks montrait à la fois l’horreur et l’humanité des disgraciés de la vie ; mieux pensé, Adhémar eût pu donner une image plus tendre… Mais c’était il y a longtemps, aux temps où on ne mettait pas la poussière sous le tapis…

Leave a Reply