Rien ne vieillit tant que l’avenir.
Blade runner est censé se dérouler en 2019 ; voilà que nous y sommes presque et que cette image sordide du futur qui est donc désormais notre présent, apparaît vieillie, démodée, ringarde… Comme à peu près toute la science-fiction, qui était entre 1950 et 1980 un genre majeur, qu’on croyait porteur de sens et qui semble avoir succombé aujourd’hui, noyée dans les récits d‘heroïc fantasy et les histoires de vampires, c’est-à-dire dans le retour au bon vieux conte de fée.
C’est entendu, l’atmosphère et les décors du film de Ridley Scott sont de première qualité et font toujours impression. L’idée de les filmer sous une pluie continuelle, presque fatidique, une pluie qui plaque la pauvre humanité représentée à sa triste condition est excellente et noircit à l’envi le tableau.
Mais une fois qu’on a admiré ce talent de décoration, qu’on s’est dit qu’on ne voudrait pour rien au monde subsister dans cet entrelacs pouilleux de gratte-ciels, qu’est ce qui reste ?
Ma nouvelle vision n’a pas changé d’un iota l’impression ressentie lorsque j’avais vu le film à sa sortie, en 1982 : une philosophie niaise, mais des images spectaculaires et un récit qui se déroule sans ennui – sans morceaux de bravoure, non plus -, extrêmement prévisible et un peu longuet. La philosophie à deux balles du récit, la vieille angoisse de l’apprenti sorcier qui se demande si la créature qu’il a forgée ne va pas lui sauter à la gueule, à tout le moins lui tailler des croupières, date au moins du Frankenstein de Mary Shelley qui a tout de même une autre épaisseur, celle qui sépare l’artisanat de l’industrie.
Blade runner est un film décoratif où on n’est pas un instant décontenancé par une subtilité du récit. Parce qu’à partir du moment où le réalisateur commence à demander Qui est vraiment qui ?, il n’y a pas la moindre raison pour que le jeu de faux-semblants s’arrête. Deckard/Harrison Ford (qui, soit dit en passant montre un certain talent pour se cramponner aux gouttières : voir Frantic de Polanski), Deckard, donc est-il un repliquant ? c’est bien possible, mais qu’est-ce que ça peut bien faire ? En créant son atmosphère, le film a épuisé toute sa capacité de mystère.
Je mets au crédit du réalisateur des décors bien plus réussis que ceux de Luc Besson du Cinquième élément (mais c’est à peu près le même pathos moderniste). Mais enfin, c’est un peu mince. J’ai bien préféré Alien. Et, évidemment, 2001 n’entre pas dans la même catégorie.