Oui, c’est bien ça : il y a trop de tout : trop de stars au générique, trop de péripéties foldingues, trop de jolies filles, trop de personnages incongrus, trop de péripéties adjacentes, trop de couleurs, trop de psychédélisme.
Ce qui fait que, lorsqu’on parvient au bout de la première heure, on est un peu saturé de tout ça, de ces cavalcades incessantes, de ces renversements de situation sans queue ni tête, de ces changements continus d’orientation. L’ennui c’est qu’il reste une seconde heure à affronter… Et ce qui est bête, c’est qu’il y a, parsemés ici et là, jusqu’à la fin, des idées formidables et des numéros très réussis ; ainsi toute la séquence où Orson Welles incarne Le Chiffre comme personne n’aurait pu le faire.
Le roman est le premier de la série écrite par Ian Fleming en 1953 ; mais comme en 1954 une chaîne de télévision en avait acquis les droits d’adaptation, les roublards Saltzman et Broccoli n’ont pu tourner le film. C’est dommage et on peut se demander ce qu’aurait été un Casino Royale réalisé vers 66 ou 67, au moment où Sean Connery était au faîte de son incarnation et où le mythe jouait à plein. D’autant que, si je me le rappelle bien, l’intrigue originelle n’est pas très propice en cascades et explosions et privilégie, d’une façon très remarquable, d’ailleurs, les tours et détours de la partie de baccara qui oppose Bond et Le Chiffre.
Le parti de tourner l’affaire en burlesque avait surpris énormément, à l’époque, même si le choix de David Niven pour jouer le rôle de l’agent secret britannique apparaissait très pertinent et que l’on rappelait que c’est lui que Ian Fleming aurait désigné pour ressembler le plus au personnage tel qu’il l’avait conçu. Et il est bien vrai qu’il lui donne ce charme et cette distinction qui lui appartenaient… Tiens, ça aussi, ça aurait été intéressant, de voir Niven se mesurer à Goldfinger…
Toujours est-il que le film existe, qu’il n’a évidemment rien à voir avec la resucée Casino Royale récente, avec ce Daniel Craig que certains jugent excellent et qui, elle non plus n’a que de lointains rapports avec le récit initial. On s’amusera d’y trouver ici et là, mais assez vainement, William Holden, Charles Boyer, Deborah Kerr et, en silhouettes, George Raft ou Jean-Paul Belmondo (une petite pige pour celui qui était alors le compagnon d’Ursula Andress ?). Et puis des tombereaux de jolies filles (trop, ai-je dit) : outre Andress, première et plus emblématique des James Bond girls), Daliah Lavi, Barbara Bouchet, Joanna Pettet, Jacqueline Bisset, celle-ci élégamment nommée Julie Lacuisse, vieux tour d’esprit graveleux des Anglo-saxons.
Graveleux ? le terme est un peu fort : on n’est pas dans de l’Hitchcock, tout de même ! Disons salace et coquin. Il est vrai que le film survenait quelques mois avant l’explosion de mai 68, aux moments où toutes ces choses se libéraient…
Un mot enfin sur la musique de Burt Bacharach, exceptionnelle et enchantée. Bon. J’ai mis une note médiocre mais je m’en repens déjà…