L’idée initiale est aussi originale qu’intéressante : un psychiatre parvient à instituer pour ses malades un traitement révolutionnaire où les pulsions s’expriment littéralement par la transformation de leurs corps ou, plus exactement, par l’expulsion des fantasmes, obsessions, horreurs divers qu’ils recèlent par des sortes de monstruosités qui les délivrent. Ça n’a rien de délicieux, évidemment, et les rangées d’ecchymoses, de ganglions, d’ulcères immondes développées laissent à songer : le psychiatre est-il un de ces savants fous, dont la littérature et le cinéma ont fait grand usage depuis Frankenstein, un démiurge dépassé par les événements ou un héros inquiet du progrès, qui a trouvé une formule formidable, mais encore imparfaite pour venir à bout des psychoses ? Chromosome 3 laisse ouverte la porte…
Partant d’aussi séduisantes prémisses, le film de David Cronenberg paraît tout de même un peu limité et même dépassé par l’ampleur de son propos : qu’est-ce que ça traîne, qu’est-ce que ça met du temps à entrer dans le sujet ! Pour un film aussi court (moins de 90 minutes), l’exposition, la mise en place du récit, la présentation des personnages, tout cela s’éternise au delà du raisonnable. On a envie de crier à Cronenberg qu’on a à peu près compris le sens de la thérapie utilisée par le docteur Raglan (Oliver Reed), qu’on en a perçu les incertitudes, les ambiguïtés et les risques et qu’il peut enfin commencer à raconter son histoire. Celle du couple Carveth (Art Hindle et Samantha Eggar), lui sain, elle folle et de leur fille Candice (Cindy Hinds). Il y a là de lourds secrets profondément enfouis, des hontes dissimulées, des saletés et des vices cachés. Rien de très original, en soi, mais une atmosphère intéressante.
Seulement, de l’incertitude initiale, de la lenteur prise pour poser le sujet, on passe ensuite à une sorte d’insignifiante conclusion, élaborée autour de banales séquences à peine horrifiques ; on se croirait presque dans un de ces films à recettes faciles où des poupées déchaînées se jettent furieusement sur des êtres humains pour les tuer (du type Chucky). Et la fin, type du faux happy end (où la dernière image dément l’irénique impression que tout s’est terminé au mieux) est d’une grande bêtise.