Comment l’esprit ne vient pas aux garçons.
Voilà un film très bizarre. Une coproduction germano-britannique tournée en 1970 par un cinéaste polonais, Jerzy Skolimowski, qui jouissait alors d’une certaine renommée et d’un grand succès critique, mais peut-être avant tout parce que, comme Roman Polanski d’ailleurs, il constituait aux yeux occidentaux une image de la rébellion intellectuelle polonaise. Un peu comme en Tchécoslovaquie de la même époque avec Milos Forman, Jiri Menzel, Vera Chytilova ou en Hongrie avec Miklós Jancsó. Des réalisateurs dont les ciné-clubs étaient férus et qui apportaient assurément un autre regard en Europe de l’Ouest, mais dont la singularité pouvait décontenancer.
À juste titre si j’en juge par Deep end, film qui est le premier que je regarde de son auteur et qui ne me donne pas vraiment envie de découvrir les autres titres de Jerzy Skolimowski. Cela étant, pas vraiment ne veut pas tout à fait dire vraiment pas. L’étonnement que j’ai ressenti ne m’a pas vraiment rebuté et le récit ne m’a pas déplu. Il se situe dans l’atmosphère oubliée d’une Grande-Bretagne qui était en train de s’écrouler, où les conservateurs (Edward Heath) succédaient aux travaillistes (Harold Wilson) avant de leur laisser la place à nouveau, cela jusqu’à ce que Margaret Thatcher impose durablement sa médecine de fer. On a appelé cela le Swinging London, parce que les triomphes mondiaux des Beatles et des Rolling stones dissimulaient la lente décrépitude de l’industrie traditionnelle, mines et sidérurgie.
Ce qui frappe le plus fort dans Deep end, c’est la crasse, la médiocrité, la laideur de cette piscine où les deux protagonistes, Mike (John Moulder-Brown) qui doit avoir à peu près 16 ans et Susan (Jane Asher) qui a quatre ou cinq ans de plus que lui, sont occupés à des petits boulots assez minables : fourniture de serviettes et de produits de douche ou de shampoings, nettoyage des cabines après que leurs occupants se sont livrés à quelques expansions sexuelles, petit esclavage parcimonieux. Si l’on est un peu complaisant avec clientes d’un certain âge, grassouillettes blondasses à la limite de la ménopause (Diana Dors) ou avec de troubles professeurs de sport (Karl-Michael Vogler) qui pose ses mains baladeuses sur toutes les rondeurs féminines qu’il aperçoit, notamment les petites jeunes filles qu’il est chargé d’accompagner, on peut se faire d’intéressants pourboires…
Plongé dans un climat que, bien naïvement, il ignorait le jeune Mike est d’autant plus émerveillé qu’il s’aperçoit que parallèlement sa collègue Susan n’a absolument aucun scrupule pour s’assurer ces gros compléments, en se faisant sauter dans les vestiaires de la piscine ou, pour arrondir encore davantage ses fins de mois, en s’exhibant sous le glorieux pseudonyme d‘Angelica continental dans une boîte de strip-tease de Piccadilly. Forcément, l’éveil de la sensualité de Mike se focalise sur cette belle fille sans scrupules et sans limites qui, par ailleurs, envisage très sérieusement de bientôt épouser son fiancé (Christopher Sandford), aussi prospère que sans intérêt mais qui lui assurera tranquillité et prospérité matérielle.
Puis voilà. Une sorte de désir obsessionnel, exclusif et jaloux. On en devine les conséquences, même si on peut penser qu’elles ne seront pas aussi dramatiques que celles – outrancières – que le réalisateur inflige à son film. Entre les murs lépreux de la piscine, les dégaines datées des Londoniens de la lower middle class, les derniers éclats vestimentaires du psychédélisme, la puérilité un peu ridicule des premières amours adolescentes et la mécanique fatale de la conclusion.
Un curieux machin. Point désagréable, mais assez chtarbé.