Si j’ai une certaine pratique et une grande tendresse pour le nanar français, je n’avais pas abordé jusque là son congénère italien. L’occasion d’une braderie de René Château a fourni le prétexte (puisqu’il me fallait compléter ma commande) et, séduit par la présence de Vittorio De Sica, et, dans une moindre mesure de Toto, j’ai acheté ce bizarre Dites 33 qui, in fine, me laisse plutôt une bonne impression.
Ne pas s’illusionner devant cette appréciation : on ne perçoit dans ce film de Camillo Mastrocinque, dont l’étude de la filmographie ne laisse aucun doute sur le modeste talent, aucun rapport avec la comédie à l’italienne, sa drôlerie cruelle et souvent pathétique : il s’agit là d’un vaudeville bien classique, en rien déstabilisateur, mais c’est suffisamment gai, suffisamment rythmé, suffisamment bien joué pour qu’on y prenne plaisir.
En recherchant un peu autour du film, j’ai appris que la vedette féminine, Abbe Lane était, dans la vie, la femme (enfin… la troisième des quatre femmes) de Xavier Cugat, le Roi de la rumba, qui avait trente ans de plus qu’elle. En voilà une qui n’a pas fait de carrière, mais qui est un des principaux atouts de Dites 33, grâce à sa plastique parfaite et à la façon dont Mastrocinque la met en valeur, faisant évoluer la belle en déshabillé vaporeux, en combinaison courte, en fourreau de lamé… mais aussi sous la blouse du médecin qu’elle incarne.
Car l’argument du film est aussi simple que cela : un jeune et séduisant avocat italien, prénommé Otello (!) (Germán Cobos) a épousé, sur un coup de foudre une séduisante doctoresse, Brigitte. Lorsqu’il la ramène chez lui, à Naples, ses vieilles et riches tantes, Ida et Ada (Amelia Perrella et Tecla Scarano), ne pouvant croire qu’une aussi agréable carrosserie soit dotée d’une tête si bien faite, soupçonnent la jeune femme d’être une aventurière. Elles engagent un détective privé, Mike (Toto) qui, assisté de son benêt d’acolyte Johnny (Agostino Salvietti) s’emploie à démontrer que Brigitte est en fait une call-girl.
Parallèlement, le marquis De Vitti (Vittorio De Sica), si amateur de jolies femmes qu’il vient de recevoir dans le postérieur une décharge de plombs par la grâce d’un de ses métayers dont il a séduit l’épouse, cherche à se faire soigner. Ces prémisses posées, on comprend combien le scénario peut se développer sur un terrain glissant, salace et même graveleux. Et pourtant, grâce à l’entrain de la réalisation et à quelques situations amusantes bien troussées, ça passe assez bien et ça n’accable jamais.
Enfin… presque jamais. Il y a tout de même une séquence assez accablante, celle où Darry Cowl, dont la femme va accoucher, reçoit la visite de la doctoresse Brigitte. Livré à lui-même, sans garde-fou ni mesure, l’histrion se comporte comme sa pire caricature. Il y a là un quart d’heure exaspérant, ajouté à l’histoire sans raison, sans doute pour les exigences de la coproduction.
Parmi les bons points, l’interprétation par Teddy Reno, chanteur de charme qui eut son heure de notoriété, de la canzonetta célèbre Piccolissima serenata ; excellent moment pour ceux qui, comme moi, ont la nostalgie des triomphes du Festival de San Remo, de Nel blu di pinto di blu à Romantica en passant par Ciao, ciao, bambina.
Bon. Après ce dithyrambe un peu excessif, notons tout de même que, dans les parages de ces années 57-58, Toto tournait dans Le pigeon, De Sica dans Le général della Rovere. C’était tout de même autre chose…