Domicile conjugal

c1a1a8e9304af6b97734952aee11d009b8a3b5a5Doinel adulte ?

Domicile conjugal, ce n’est pas que Christine Darbon, c’est aussi Antoine Doinel, Doinel adulte. Doinel adulte (enfin ! si on peut dire que Doinel l’est, et le sera jamais…). Je ne trouve pas que ce soit bien réussi, même si c’est quelquefois assez drôle…

C’est drôle mais, précisément, ça quitte un peu les rivages qui avaient donné tant de consistance au garçon triste des Quatre cents coups et à l’hurluberlu incertain d’Antoine et Colette et du délicat Baisers volés. Il me semble que Truffaut a épuisé l’épaisseur du personnage, et davantage encore ce qu’il pouvait mettre de lui dans Doinel. Dans le DVD, la présentation du film par Serge Toubiana précise d’ailleurs que le réalisateur avait demandé à ses scénaristes, Claude de Givray et Bernard Revon d’aller marauder ici et là des répliques, des scènes, des anecdotes pittoresques et vécues ; un peu comme dans d’autres films de Truffaut (L’Argent de poche, notamment), c’est la relation alerte, rythmée, bien filmée, mais pas toujours bien cousue de nombreuses histoires rassemblées un peu artificiellement.

D’où une impression de superficialité, encore exagérée par le jeu, qui devient monocorde, avant d’être exaspérant, de Jean-Pierre Léaud et la récurrence d’épisodes très plaqués sans nécessité (le tapeur compulsif, silhouette permanente du cinéma de genre Jacques Robiolles, étoile des films de Jean Rollin et des pornos de l’âge d’or, le taciturne imitateur à la dégaine trouble, Claude Véga, pris pour un étrangleur).

Heureusement, donc, Claude Jade, jolie comme un cœur, éternelle fiancée aux yeux clairs, candides et tendres. Que Domicile conjugal commence sur l’image de sa démarche pressée, légère, gracieuse dans les rues de Paris, n’est pas innocent : Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie ; tout le monde connaît ce mot magnifique de Truffaut, amateur fasciné, dans L’Homme qui aimait les femmes, qu’il tournera sept ans après Domicile conjugal. Équilibre et harmonie, c’est bien cela que représente Christine. Tant qu’Antoine s’appuiera sur elle, sa folie lunaire sera tempérée, canalisée, acclimatée ; dès qu’il s’en évadera, il se cassera évidemment la figure.

Truffaut aussi, d’ailleurs. Le cinquième opus de la série, L’Amour en fuite sera un assez peu réussi rapetassage, le film de trop d’une série tout de même bien intéressante. Je ne tiens pas Truffaut pour un cinéaste majeur mais plutôt, comme l’est Tavernier, pour un amoureux éperdu du cinéma. N’empêche que l’un et l’autre ont tourné de bien bons films.

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