Du sang pour Dracula

Du_sang_pour_DraculaGrotesque, pathétique, délirant, excessif…

C’est grotesque et délirant, excessif et ridicule…mais ça ne manque pas de charme, ni d’intérêt. Pas simplement pour les interprètes (bizarre composition de Vittorio De Sica en aristocrate fauché et résigné) mais aussi pour la musique (superbe durant le générique) et l’érotisme assez malsain.

Il y a même presque du poignant dans la scène où la fille moche et vertueuse, Milena Vukotic (par ailleurs si extraordinaire dans le rôle de la femme dolente et accablée d’Ugo Tognazzi dans Mes chers amis), où, donc la fille moche – donc vierge – tente d’empêcher le robuste prolétaire Joe Dallesandro d’achever le comte Dracula, Udo Kier déjà réduit, par ses coups de hache, à l’état de tronçon… Il est à moi, laissez-le moi !

Comme quoi le pathétique est toujours sous-jacent à tout…

5 mai 2005

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163879_backdrop_scale_1280xauto Je me suis encore une fois laissé avoir à regarder ce film ridicule et malsain, mixture indigeste de porno soft, d’images gore, de puérilités inimaginables, de prêchi-prêcha marxisant et de considérations oiseuses sur la décadence des mœurs et la de plus en plus douteuse virginité des jeunes filles.

Lorsque le film est sorti en France, en 1975, j’étais allé le voir parce que, à l’époque, rien de ce qui était vampirique ne m’était étranger : il y avait les successives dégradations du Dracula de la Hammer, avec un Christopher Lee de plus en plus à la peine du fait de l’indigence et de la répétitivité des scénarios (Les cicatrices de Dracula, Dracula et les femmes, Dracula vit toujours à Londres), les dingueries photogéniques et déshabillées de Jean Rollin (La vampire nue, Requiem pour un vampire, Lèvres de sang), l’intéressante, mais désinvolte réalisation de Jesus Franco, (Les nuits de Dracula), et une kyrielle d’autres films absorbés sans mesure dans les salles du Quartier latin (et notamment au Styx, rue Xavier Privas).

dusangParallèlement à cette mode sanguinolente, il y en avait une autre, plus prétentieuse et beaucoup plus ennuyeuse à quoi j’avais un peu cédé : celle de l‘underground, le gloubi-glouba à la Andy Warhol, dont le prophète cinématographique était le réalisateur Paul Morrissey et le glauque héros Joe Dallesandro ; il y avait eu une trilogie, Flesh, Trash et Heat qui présentait le monde de la marginalité new-yorkaise, trilogie fortement teintée de prostitution homosexuelle cradingue, qui avait eu un succès d’estime et qui est certainement totalement oubliée aujourd’hui.

Toujours est-il que, sous le double empire du vampirisme et de la trouble fascination warholienne, Du sang pour Dracula ne pouvait pas échapper à mon œil vorace. Et je suis d’emblée tombé sous son charme bizarre, parce que, sûrement, le début du film, où se déroule le générique m’a semblé – et me semble toujours – magnifique, grâce à la photo nocturne, à la beauté ambiguë du comte Dracula (Udo Kier) et peut-être davantage encore grâce à la musique de Claudio Gizzi, artiste qui n’a pas donné grand chose d’autre au cinéma, sinon les partitions de l’épouvantable Chair pour Frankenstein, du même Paul Morrissey et de l’incongru Quoi ? de Roman Polanski. La musique de Gizzi est d’une douceur, d’une mélancolie, d’une harmonie triste telle qu’elle m’a fait penser à la sublime composition de Riz Ortolani pour Cannibal holocaust ; dans l’un et l’autre film les roublardises, complaisances, insuffisances de la réalisation sont magnifiées, presque effacées par la beauté de la musique. Étrange, non ?

dudraculaCette première séquence passée, on quitte le noir château des Carpathes pour se retrouver dans une demeure de Toscane, délabrée, mais splendide encore. Le marquis (Vittorio De Sica) et la marquise Di Fiore, aristocrates ruinés, affublés de quatre filles à marier : l’aînée, Esmeralda (Milena Vukotic), laide et montée en graine ; les deux suivantes, Saphiria (Dominique Darel) et Rubinia (Stefania Casini), deux nymphomanes enragées qui couchent entre elles et avec l’homme à tout faire du château, l’étalon marxiste Mario (Joe Dallesandro) ; enfin la benjamine, Perla (Silvia Dionisio), qui n’a que 14 ans.

Blood For Dracula60Le comte Dracula, qui se présente comme très fortuné, se propose d’épouser une des filles, à condition, bien sûr, qu’elle soit vierge ; c’est naturellement pour s’en nourrir, le sang virginal lui étant seul digestible. Il éprouvera les pires mécomptes avec les deux cadettes, dont l’innocence n’est plus le fort depuis longtemps et le vigoureux Marco déflorera Perla avant que le comte puisse planter ses canines dans son tendre cou.

Restera Esméralda, qui n’espérait plus pareille occasion d’être déniaisée… et qui, après l’avoir été vouera à son initiateur un amour farouche, même lorsque celui-ci aura été découpé en cinq morceaux (le corps et les quatre membres) par la hache prolétarienne de Marco.

Bon. J’ai écrit un beaucoup trop long message pour ce film que je ne conseillerais à personne de regarder tant il est mal fichu, tant les présences d’acteurs comme De Sica (qui jouait, paraît-il, et avait donc toujours besoin d’argent) et Milena Vukotic y paraît singulière. N’empêche que cette nullité m’est chère…

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