Ça n’a pas beaucoup d’intérêt, ou un seul intérêt anecdotique pour qui n’est pas passionnément intéressé par ce cinéma français des années 40-60 ; j’ai apprécié, parce que les acteurs, l’atmosphère, les décors, les dégaines, l’esprit de l’époque me sont chers… mais je ne conseillerais pas ce Decoin à qui voudrait un bon film de la période. Cela étant, il y a toujours un plaisir infini – pour moi, en tout cas – à voir Jouvet, bien sûr, mais aussi les seconds rôles (donc Robert Vattier, le M. Brun de la Trilogie) des années Cinquante et Soixante, de retrouver, au coin d’un plan, les rues et les coutumes d’un monde disparu…
Et, évidemment, c’est à mille lieux d’un Quai des Orfèvres : ça ne joue pas du tout dans la même catégorie…
Tout ce que l’on a pu dire ci-dessus est conforté par une nouvelle vision : film touffu et incohérent, à l’intrigue à la fois cousue de fil blanc et d’invraisemblances, mais qui ne comporte pas les côtés narquois, malicieux, ironiques de Copie conforme de Jean Boyer, sorti quelque temps auparavant.
C’est cela : vraiment laborieux ! L’inspecteur Carrel (Louis Jouvet), sosie, donc, d’un malfrat nommé Vidauban, apprend par une suite de hasards miraculeux tout ce qu’il doit savoir sur le gangster dont il a pris la place pour les besoins de son enquête. Et il est renseigné pratiquement au fur et à mesure qu’il doit l’être, sans un de ces grands précipices scabreux et risqués qui font le charme d’une des histoires de méprise dont le cinéma de genre est friand.
Il parvient donc à donner le change à tous ses complices sans aucune difficulté. Sauf – voilà qui est moral ! – à la maîtresse de Vidauban, Lucienne Lusigny, qui dirige une maison de couture, dont il va lui-même tomber amoureux et qui va l’aimer, bien qu’il n’ait, à part la ressemblance physique (!), rien à voir avec le malfrat. Petits détails qui ne trompent pas une âme avisée doublée d’une fine mouche, mais qui ne sont tout de même pas bien malins.
Madeleine Robinson me semble infiniment trop grave pour interpréter le rôle de Lucienne. Jouvet n’apporte pas plus à son personnage que le minimum syndical, et même les mots de Jeanson ne se récoltent qu’au compte-gouttes (Sans désir, aimer est un verbe passif et neutre).
Qu’est-ce qui reste, alors, sinon l’atmosphère, l’ambiance de Paris de 1949, qui reprend peu à peu vie, mais demeure marqué par la guerre… Ainsi la scène, par ailleurs hautement ridicule du défilé de mode où une cliente, visiblement crémière enrichie du marché noir (revoir Au bon beurre, s’il en est besoin) trouve le prix des robes pas cher du tout.
Quoi d’autre ? Sans doute le charme assez trouble de Monique Mélinand, qui fut la compagne de Jouvet, et qui n’est pas mal du tout en bonne à (vraiment) tout faire d’un avocat marron… Et puis Yvette Etiévant, d’habitude distribuée en pauvre ménagère épuisée par la vie et les lessives (Des gens sans importance, L’Homme du « Picardie »), qui joue là une putain qui tapine dans le souterrain des Ternes.
Bien médiocre récolte…