Mal d’entrailles.
Je n’accroche pas trop au cinéma de David Cronenberg et pourtant je m’obstine de temps à autre à regarder un de ses films, souvent déçu, jamais pleinement satisfait en tout cas par de drôles d’objets qui ne manquent pas d’originalité ni d’ambition narrative, mais qui ne portent pas les promesses de leurs scénarios.
Et tombent assez souvent dans le répugnant, le gluant, le visqueux. Voilà qui me semble un parti-pris de filmer des images ignobles, choquantes, à tout le moins, sans véritable nécessité scénaristique, simplement pour faire hausser le cœur du spectateur moyen. Moi qui suis plutôt amateur d’horreur et qui ne rechigne pas, de ça, de là avec le gore, j’en éprouve vaguement du malaise…
Existenz décrit un monde un peu plus avancé (!!) que le nôtre, un monde où la réalité virtuelle a triomphé et semble à beaucoup nettement plus admissible que la grise vie quotidienne. Le film a près de vingt ans et il faut lui reconnaître le mérite d’avoir capté ce qui semble aujourd’hui une évidence : l’enfermement de chacun dans sa bulle autistique, si manifeste lorsque prenant le bus ou le métro on observe ses contemporains acharnés à tapoter sur leurs écrans pour (au choix) délivrer la princesse, trucider le dragon ou brûler vif l’ennemi extraterrestre. Cela fait d’ailleurs des années que, devant des sourires de moins en moins sceptiques, j’augure un monde où les gouvernements anonymes et vagabonds obtiendront une royale paix sociale en procurant à des foules obèses des jeux excitants.
Ceci n’est pas tout à fait une autre histoire : Existenz est constamment dans un entre-deux où le spectateur ne reconnaît pas spontanément ce qui est situé dans le monde réel et ce qui fait partie des multiples fantasmatiques pilotées par un programme informatique. Cela étant, cette mise en abyme qui pouvait, en 1999, surprendre et décontenancer, n’a plus beaucoup d’originalité désormais et la séquence finale tombe complètement à plat, parce que, fatalement, on s’attend à cet ultime décorticage, comme on s’attend à trouver dans la dernière matriochka une matriochka plus petite encore.
Il y a dans le film de Cronenberg une réelle inventivité visuelle (le révolver qui tue avec des dents humaines, par exemple), mais on a l’impression que le réalisateur se satisfait un peu vite de cette originalité, traitant par dessous la jambe beaucoup de scènes d’action. Les acteurs principaux, Jennifer Jason Leigh et Jude Law font ce qu’ils peuvent pour être convaincants mais paraissent s’enquiquiner un peu. Comme nous, au demeurant.