Un Risi en très mineur.
Fais-moi très mal mais couvre-moi de baisers est un des plus médiocres Risi
qu’il m’ait été donné de voir ; naturellement ce point de vue est à l’aune de l’immense talent du réalisateur et doit être donc relativisé ; si par miracle, touché par on ne sait quelle grâce, l’ennuyeux Antonioni
ou le pompeux Visconti
avaient tourné ça, je n’aurais pas hésité à mettre la note maximale. Mais le monde est ainsi fait et vit de comparaisons ; sans pouvoir attendre d’un cinéaste qu’il tourne toujours des merveilles aussi absolues que Le fanfaron
ou des chefs-d’œuvre comme Les monstres
ou Au nom du peuple italien,
j’attendais mieux de lui…
Pourquoi donc, au fait ? Le scénario, issu de la boutique de luxe Agenore
et Scarpelli
est un peu funambulesque (surtout à la fin), mais amusant et ingénieux (certains traits font songer à l’excellent une vie difficile)
et la fascination qui d’emblée unit Marisa (Pamela Tiffin)
et Marino (Nino Manfredi)
est finement décrite ; au fait, et pour qui apprécie le jeu des citations cinématographiques, la rencontre des deux amoureux, dans le caravansérail des danses des troupes folkloriques réunies au stade olympique de Rome fait évidemment irrésistiblement songer à la fascination de Tony et Maria au bal de West side story
: clin d’œil narquois de Risi,
bien sûr.
J’essaye de passer sur l’irritation ressentie devant un DVD aussi mal édité qu’un René Château : images ternes, souvent verdies, générique en anglais, versions uniques (en français ou en italien, sans sous-titres !) et intertitres (qui plus est assez nombreux) non traduits ; pour qui ne pratique pas la langue de Dante et de Valentina Vezzali, c’est très désagréable. Mais enfin le support est sans doute important, mais secondaire…
Je ne suis pas très ravi du personnage du tailleur Ciceri, rendu sourd-muet par un bombardement, qui va épouser Marisa puis, l’ouïe et la parole recouvrées par l’explosion qui était destinée à lui faire débarrasser le plancher pour laisser place nette aux deux amants, se retire dans un couvent franciscain et bénit angéliquement le mariage des sacripants. Le talent d’Ugo Tognazzi
est tel qu’il parvient à ne pas rendre ridicule et excessif son personnage, mais qu’il tutoie tout de même souvent l’obstacle et manque même d’y tomber quelquefois : c’est le côté farce que même les meilleurs Italiens ne parviennent pas toujours à gommer… (Et puis, plus austèrement, comment comprendre qu’un homme marié puisse, aux yeux de l’Église, abandonner sa femme qui peut alors convoler dans un monastère ? je veux bien qu’on soit anticlérical, mais faut pourtant de la cohérence…).
Reproche majeur enfin : le manque de rythme que j’ai ressenti et dont je ne m’explique ni la raison, ni les modalités. Paradoxalement, je me dis que c’est peut-être qu’il y a trop de séquences, trop d’efflorescences de l’intrigue, trop de personnages adjacents, trop de milieux différents montrés (mais à peine explorés : ainsi cette étrange réunion de bourgeois gastronomes, où le malheureux Marino fera scandale : tous les hommes préparent des choses succulentes à la cuisine, pendant que les femmes papotent : l’idée est excellente, mais on n’en sait pas plus…).
Bon, bref, ça ne passe pas très bien. Mais un Risi, tout de même, c’est mieux que rien.