On écrirait volontiers de Fantômes à Rome que c’est un film gentil et agréable si les deux adjectifs assemblés ne risquaient pas de confiner le film de Pietrangeli du côté mièvre de la comédie. Alors que ce n’est pas du tout ça : c’est gai, enlevé, spirituel, joliment interprété, le scénario est inventif et intelligent et l’esprit du propos est excellent : de sales corrupteurs enlaidisseurs sont obligés de céder à la coalition bienvenue des occupants traditionnels du palais, fantômes et vivants, maîtres et serviteurs mêlés. Et les corrupteurs sauvages, qui plus est, qui ne connaissent d’autre ressort que les liasses de billets, sont roulés de façon rocambolesque au bénéfice de la protection des monuments historiques et des œuvres d’art, avec, en passant une amusante satire des experts picturaux.
Il n’y a pas de saute de rythme ni de faiblesse, ça virevolte, tourbillonne, c’est plein de goût et de fantaisie. Les acteurs ne se prennent pas au sérieux et se sont d’évidence bien amusés de tourner dans ce conte rose et gris. Si Vittorio Gassman en Caparra, fresquiste méconnu (!!!) est sans doute un soupçon trop démonstratif, Marcello Mastroianni, dans le double rôle du galant Reginaldo, coureur de jolies femmes du 18ème siècle et héritier saisi par le charme du palais (charme au sens magique d‘enchantement) est parfait. Comme l’est Eduardo De Filippo, charmant vieil aristocrate dans la dèche, gai et grognon comme il le faut. Et Tino Buazzelli, saint moine trop gourmand.
La pauvre actrice brune Belinda Lee n’a pu assister à la sortie du film : quinze jours auparavant, elle s’était fichue en l’air sur une route de Californie ; elle allait avoir 26 ans. Si cynique que ça puisse paraître, je ne crois pas que cette mort accidentelle ait été une grande perte pour le cinéma (au contraire de celle de Françoise Dorléac). N’empêche que c’était un sacré beau brin de fille. On peut noter que la blonde Sandra Milo, sans doute plus talentueuse, a connu une très brève carrière au cinéma, s’en retirant à 35 ans, en 1968. Mais il faudrait avoir l’esprit bien mal tourné et tortueux pour imaginer que les gentils spectres de Fantômes à Rome aient pu frapper ces belles actrices de la moindre malédiction.
Il y a quelque chose de très civilisé dans les nuances rouges et dorées de la photographie du film, de profondément romain ; on sait que là-bas même la poussière, même les ruines, ont quelque chose d’élégant, de raffiné, de subtil. Enchaînement des siècles et des traditions, continuité de la beauté, toute cette sorte de choses…
Vraiment agréable découverte. Ma note mériterait un demi-point de plus.