Apothéose now
Flic ou voyou, en 1979, c’est le moment de la carburation maximale du cinéma de divertissement français et l’apogée du succès populaire et commercial de Jean-Paul Belmondo, charmeur, hâbleur, désinvolte, chéri des dames, qui distribue avec autant de talent que d’aisance pirouettes et mandales. Des moments qu’on a vus cent fois et qu’on ne se lasse jamais de revoir, parce que, malgré l’évidence répétitive du procédé, on est toujours séduit par cette vitalité rieuse qui ne s’embarrasse ni de métaphysique, ni de scrupules.
On peut d’ailleurs penser que si de tels films, où un commissaire de police très marginal nettoie à la manière forte le bourbier des crapules, étaient tournés aujourd’hui, de grandes consciences humanistes ne manqueraient pas de les qualifier de scandaleux, crypto-fascistes, faisant le lit du Front National (ce qui est l’abomination suprême, bien avant les massacres terroristes de Paris hier, de Bruxelles aujourd’hui).
Mais il y a pas loin de quarante ans, nous ne pensions pas que se faire entre-exécuter malfrats endurcis et flics pourris était quelque chose de bien grave et – faut-il le dire ? – nous jugions même que c’était là une excellente chose et un nettoyage bien venu. Autres temps, autres mœurs ! Venons plutôt sur la qualité très honnête du film de Georges Lautner, de qui il ne faut évidemment pas attendre une intrigue équilibrée et réaliste, qui est d’un classicisme éprouvé, un peu routinier mais d’une grande efficacité. C’est un cinéma bâti sur de beaux endroits, de belles voitures, des morceaux de bravoure et des numéros d’acteurs.
Chacun de ces segments est solide et donne au spectateur son content : grandes demeures de la Côte d’Azur, beaux points de vue de la Corniche, salles de casino, pittoresque chic des rues de Nice ; décapotable surbaissée (Lotus Seven Caterham) et Rolls-Royce ; dix séquences dont la plupart sont drôles et qui sont irriguées de la verve sarcastique d’un Michel Audiard en pleine forme ; et, outre la solaire présence d’un Belmondo rayonnant, dix visages du cinéma français de l’époque, de ces seconds rôles dont l’espèce était encore fertile : Michel Galabru, Claude Brosset, Michel Beaune, Georges Géret, Jean-François Balmer, Charles Gérard, Michel Peyrelon, Venantino Venantini, Nicolas Vogel, Catherine Lachens… Ajoutons à la cohorte l’acidité de Julie Jézéquel (dont je m’étonnerai toujours qu’elle ait fait une si petite carrière) et même la fofollerie évaporée de Marie Laforêt. Et puis le thème musical de Philippe Sarde, d’un grand brio.
À la fin, tout est rentré dans l’ordre. Nice est nettoyée de ses purulences, le Divisionnaire Borowitz (Belmondo) revient, en compagnie de sa fille Charlotte (Julie Jézéquel) dans son nid conjugal où il doit être à la fois très attendu et très heureux (malgré ses innombrables coups de canif au contrat) et les spectateurs ont passé un bien bon moment.