Frantic

L’étranger dans la ville.

C’est un Polanski mineur, dont le premier tiers est formidable, le deuxième intéressant et le troisième ennuyeux et vain. Comme, au contraire du mandarin-cassis de Marius, il n’y a pas de quatrième tiers, on reste assez déçu, alors que l’on pensait, sur la lancée du début, pouvoir se régaler. Comme on s’est perdu en chemin, on finit par s’agacer, ce qui est dommage, car le thème initial est bluffant d’efficacité.

À partir de quel instant un homme arrivé le matin même dans un pays qu’il connait à peine et dont il ne parle pas la langue et dont la femme, qui s’est absentée en principe pour un court moment, ne revient pas, à partir de quel instant, donc, cet homme commence-t-il à s’inquiéter, puis à paniquer ? Que peut imaginer cet homme, perdu dans une cité qu’il considère, en bon puritain, comme la moderne Babylone, lorsqu’il apprend qu’on a vu sa femme monter avec un individu dans une voiture ? Puis qu’il recueille peu à peu les indices médiocres, incertains, d’un enlèvement ? D’autant que personne ne semble le prendre au sérieux et que, avec la componction et la délicatesse professionnelles obligées, les employés du grand hôtel où il loge, et le sarcasme graveleux à la bouche, les policiers de quartier à qui il se plaint, les uns et les autres le tiennent pour un mari trompé assez ridicule…

1712295Les trois premiers quarts d’heure de Frantic avec un Harrison Ford remarquable en Yankee paumé mais énergique et déterminé sont excellents ; le Docteur Richard Walker, venu de San Francisco pour participer à un congrès de cardiologues où il doit présenter une communication, bute sur un Paris et des Parisiens présentés avec ironie par Roman Polanski comme on doit les imaginer du côté du Michigan et du Nebraska : légèrement crasseux, inconfortables et libertins. Le réalisateur aurait sans doute dû pousser un peu davantage la caricature et davantage placer en face à face Ancien et Nouveau Mondes. Mais cédant à sa naturelle facilité, il s’épuise vite sur cette veine.

Il ne lui reste alors qu’à recourir à la veine espionnito-policière qui va laborieusement tenter d’expliquer la raison de la disparition de Mme Walker (Betty Buckley) autour d’une substitution de valise (ce qui aurait pu suffire à dérouler aimablement des péripéties plausibles) et d’une lutte acharnée de services secrets israéliens, arabes et, naturellement, étasuniens pour récupérer une pièce secrète, un détonateur pour armes atomiques, dérobé on ne sait où, on ne sait comment par on ne sait qui.

frantic-2L’intrigue devient alors trop compliquée pour être intéressante, ne présentant comme seul avantage que la survenue dans le récit de la charmante Emmanuelle Seigner, qui, l’année qui suivit la réalisation de Frantic allait devenir Mme Polanski, à la ville. Et la succession des péripéties faisant appel à l’homme ordinaire et courageux devenant super-héros par la suite des circonstances – vieux travers étasunien – devient agaçante (par exemple quand Ford conduit à tombeau ouvert dans Paris une voiture dont le conducteur assassiné demeure à sa place, en maniant accélérateur et volant comme un virtuose).

On tombe dans l’invraisemblance et la grandiloquence assez vite et les aventures du Dr Walker sur les glissants toits en zinc de Paris et dans les parkings souterrains noirâtres se laissent simplement regarder sans ennui, mais sans passion. C’est dommage : il y aurait un grand film à faire sur l’étranger perdu dans la ville…


 

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