Voilà un film qui ne me laissera sûrement pas un souvenir durable et qui, pourtant, ne manque pas de qualités.
Scénario habile, spirituel, même, agréablement imbibé d’un peu de ce venin si rare dans les États-Unis de 1956, qui dépasse le marivaudage et confine quelquefois au scabreux. Cette jeune femme qui oscille entre trois hommes et flirte, à la veille de son remariage avec deux d’entre eux, et qui, précisément, ne sont pas son futur époux, c’est plutôt exceptionnel ; il y a de la verve, de l’humour, une gaieté qui n’est pas factice…
Musique de Cole Porter, aux premiers rangs aux côtés de George Gershwin ou d’Irving Berlin, parmi les plus grands noms du swing, l’auteur de Night and Day (créé (?) par Fred Astaire dans La joyeuse divorcée de Mark Sandrich) ou de You’Re The Top ; dans Haute société, c’est le ravissant True love qui s’impose, mais il y a plein d’autres mélodies formidables (j’exagère un peu : il y en a de sirupeuses…).
Pléiade d’acteurs sympathiques, malgré le jeu un peu pâle de Bing Crosby mal approprié à ce rôle de séducteur léger mais irrésistible dans quoi le confine l’histoire, et dont la voix de caramel mou ne passe plus guère la rampe, au contraire de celle de Franck Sinatra, par ailleurs bien meilleur acteur. Mention spéciale à Louis Calhern, en vieux monsieur égrillard qui porte beau (Uncle Willie) et surtout à Celeste Holm, particulièrement pétillante dans le rôle de la photographe silencieusement amoureuse de Sinatra, qui finira par avoir gain de cause.
Mais naturellement, Haute société vaut avant tout par Grace Kelly sur qui je porte depuis que j’ai vu le film un regard différent : elle me semblait de ces glaçons nordiques ennuyeux chéris d’Hitchcock, dont le sourire gai est aussi rare que la canicule à Reykjavik ! Eh bien là elle est parfaite, rieuse, joueuse, flirteuse…
J’apprends par Wikipédia (dont l’article très complet a dû être pompé sur Point de vue-Images du monde) que le tournage de Haute société a commencé une quinzaine de jours après les fiançailles de Grace Kelly avec le Prince Rainier de Monaco ; ce fut donc le dernier film qu’elle tourna et on peut bien le regretter, parce que, au lieu de devenir une icône de la presse people, elle avait devant elle un boulevard (j’ai l’absolu mauvais goût de préciser une grande corniche). Elle est époustouflante lors de la soirée qui précède son mariage, jouant la jeune femme un peu pompette avec une aisance souveraine (et allez donc !)…