Crasse et boue et sang.
Comment écrire un message un peu original sur Impitoyable alors que des tas d’amateurs qualifiés ont dit avec subtilité et talent tant de choses pénétrantes ? Surtout pour quelqu’un qui ne connaît pas très bien le cinéma de Clint Eastwood et qui n’a pas pour le western un goût très profond ?
Impitoyable est, c’est vrai, un film très grand, très impressionnant ; un film noir, sali, pluvieux, dégorgeant l’amertume et le fiel. Il n’y a ni lumière, ni espérance et on ne voit pas comment il pourrait y en avoir. Comment d’ailleurs les choses pourraient-elles changer dans cette région hostile du monde où les cochons malades se roulent dans la boue et où les putains seules paraissent détenir deux doigts d’humanité ?
La putain scarifiée, Delilah (Anna Thomson) n’est, pour son tenancier, Skinny (Anthony James) qu’une propriété endommagée, dont il est précisément dédommagé par le tribut de six chevaux qui satisfait tout le monde. La virilité obsède les esprits : c’est pour avoir été moqué sur la mince dimension de son sexe que le balafreur défigure Delilah ; mais parallèlement, le shérif Little Bill Daggett (Gene Hackman) raconte d’une voix graisseuse les mésaventures d’une des légendes de l’Ouest, un tueur nommé Corky Corcoran, s’est fait descendre de façon ridicule parce qu’il était trop bien membré. Le Far-West est fait par et pour des bouseux (c’est ainsi que, dans les sous-titres, est traduit le mot cow-boy et le Kid Schofield (Jaimz Woolvett) tue de trois balles paniquées le tortionnaire de Delilah qui est en train de se soulager dans le chalet d’aisance.
Il n’y a pas un sourire qui passe sur le visage de William Munny (Clint Eastwood), las, dépressif, désabusé, inconsolable. Harassé par la vie, éloigné de tout, indifférent à tout, même à ses cochons malades, même à ses deux enfants… Qui peut croire, d’ailleurs, le carton final, qui a tout de la belle légende et qui indique que Munny est parti pour la Californie et y a fait fortune ?
Et tout cela posé, qui est plein d’admiration, je ne peux pas pour autant donner une note plus élevée. D’abord parce que le film ne décolle vraiment qu’à la moitié de sa durée et qu’il est trop lent, trop didactique, trop empesé à son début. Puis, sûrement, parce que je ne parviens pas à avoir la moindre empathie pour ces histoires trop lointaines pour me toucher. J’ai sûrement tort. Cela dit, Impitoyable est sans doute ce que j’ai vu de meilleur de Clint Eastwood.