Comment qualifier Invitation à la danse, qui ne ressemble à rien que je connaisse, qui n’est pas une comédie musicale, elle-même fondée sur une histoire entrecoupée de numéros dansés et chantés dans une optique charmante et artificielle, de Top hat aux Demoiselles de Rochefort en passant par les légendes mythiques du genre, Chantons sous la pluie et Les Sept femmes de Barbe-rousse, et pas davantage un simple spectacle de danse filmé ?
La première partie, intitulée Circus, à mon sens la plus faible, parce qu’elle est un peu mièvre, fait forcément penser aux séquences de mime des Enfants du Paradis, Pierrot/Kelly reprenant jusqu’aux tics et mimiques de Baptiste/Jean-Louis Barrault et périssant d’amour (à tous les sens du terme) pour une Colombine (Claire Sombert) qui lui préfère évidemment ce fier-à-bras d’Arlequin (Igor Youskevitch). Il y a de très jolis effets d’ensemble, mais ça manque tout de même substantiellement de rythme.
La deuxième histoire, Ring around the Rosy pourrait presque évoquer La Ronde de Max Ophuls, avec un bracelet de prix qui fait le tour d’une kyrielle de personnages pour revenir finalement à celle à qui son mari l’avait destiné ; La Ronde, bien sûr, et bien sûr aussi Madame de…, structure en boucle où les parures en diamant passent en plusieurs mains avant de revenir à leur propriétaire. Si les films d’Ophuls sont à la fois graves et légers, ironiques et tragiques, ce n’est pas le propos d’Invitation à la danse, ou alors un propos qui effleure à peine ; c’est moqueur et très enlevé.
Le meilleur des trois récits est sans doute le dernier, Sinbad the sailor où, dans un Bagdad de pacotille et de rêverie, un Étasunien en ballade se retrouve par hasard en possession de la lampe magique d’Aladin, d’où surgit, ça va de soi, un génie (David Kasday) de petit format avec qui le marin va vivre d’extravagantes chatoyantes aventures et se retrouver dans le palais fantasmé de Shéhérazade (Carol Haney). Le plus spectaculaire est cette longue séquence où Gene Kelly danse avec des créatures issues de dessins animés (du studio Hanna Barbera). Ce n’était pas la première fois que Kelly s’exerçait à entrer dans un mode magique (il l’avait déjà fait dans Escale à Hollywood en prenant comme partenaire la souris Jerry) mais cette féerie est particulièrement inventive et souvent d’une grande poésie.
Prudence néanmoins, pour qui n’est pas vraiment amateur de ces chorégraphies virtuoses…