Et oui, ça ne s’arrange pas, mais ça va s’arranger, parce qu’il y a tout un potentiel qui va fleurir dans les films qui suivent.
Pour l’instant, on en est (j’en suis ! parce que j’ai tout de même l’impression d’être bien seul à m’intéresser à Guédiguian qui réalise pourtant une des œuvres les plus typées et les plus originales du cinéma français), on en est, dans l’exploration du coffret magique de l’intégrale, au troisième opus. Dans le film initial, Dernier été, on voyait d’emblée se mettre en place la mythologie de l’Estaque, d’un Marseille rêvé, brûlant de soleil, de mer et de luttes ouvrières. C’était pas mal du tout, intelligent, sensible, parfois un peu maladroit… Dans le deuxième, Rouge midi, Guédiguian s’attaquait à trop forte partie en voulant dresser une fresque historique, trop ambitieuse pour ses moyens d’alors (à tous les sens du terme).
Le troisième film, Ki lo sa ? se veut fable, parabole, métaphore des désespérances individuelles et collectives ; ce n’est pas loin d’être un complet ratage, dans le genre (rarement réussi !) de la poétique cynique : quatre compagnons qui se retrouvent dix ans, quinze ans, vingt ans après dans le jardin enchanté de leur enfance, désormais desséché, envahi par les mauvaises herbes ; ils espéraient être bien plus nombreux à vouloir retrouver la magie tendre de leurs dix ans ; ils ne sont que quatre, donc, Dada (Jean-Pierre Darroussin), le fils de l’ancien jardinier de la propriété, qui survit en coupant par ci par là trois fleurs séchées, Pierre (Pierre Banderet), écrivain de prétention qui vit encore chez sa mère et recopie du René Char en faisant croire que les mots sont les siens, Gitan (Gérard Meylan), petit voleur, petit voyou, marginalisé et alcoolique, et Marie (Ariane Ascaride) qui est devenue putain.
Que le film soit plein d’amertume devant la faillite des espérances n’est pas pour me déplaire. Qu’il s’accroche aux temps enfuis d’avant, comme beaucoup de films (Mes meilleurs copains) ou de chansons (Place des grands hommes de Patrick Bruel) est dans la norme des Années Quatre-vingts, qui furent celle du désenchantement, pas davantage.
Mais le film n’est pas très bon, confus, répétitif, languissant trop souvent (la promenade en DS). De maladroit et de guindé, au début, il devient graduellement niais, verbeux, emphatique…
Qu’en sauver ? Je ne cesse de l’écrire, d’abord, la capacité de Guédiguian à filmer Marseille, un muret de pierres sèches, une friche industrielle, le soleil qui se couche sur le Vieux Port.
Mais aussi les acteurs, en tout cas Darroussin, Meylan et Ascaride : l’alchimie entre ces trois-là ne fait que commencer….
La suite au prochain numéro, qui s’appelle Dieu vomit les tièdes et qui se passe à Martigues, patrie de Charles Maurras et du pont transbordeur qu’on voit dans le Toni de Jean Renoir.