Rednecks.
Je ne connaissais de William Friedkin que French connection et L’Exorciste, films que je tiens l’un et l’autre en haute estime, mais qui datent tout de même l’un et l’autre de quarante ans et je n’aurais pas tenu le pari que le réalisateur était vivant, tellement il me semblait avoir disparu des écrans.
Surprise, donc, en lisant dans les gazettes que ce Killer Joe venait de sortir en France et de recueillir les échos d’une grande violence sauvage, fascinant et répugnant à la fois les critiques professionnels. On allume toujours en moi des lueurs vermeilles en évoquant ces deux termes de violence et de sauvagerie et même si ces articles ne font pas vraiment défaut dans le cinéma d’aujourd’hui, le bon souvenir que je gardais des mésaventures de Popeye Doyle (Gene Hackman) et des heurts et malheurs des Pères Merrin (Max von Sydow) et Karras (Jason Miller) me prédisposaient favorablement à découvrir ce que le cinéaste était devenu.
De fait, dans la violence sauvage, Killer Joe n’est pas mal, mais je ne suis pas certain qu’on y reconnaît la patte d’un réalisateur important. Les rares fois où j’entre dans une salle de cinéma, je subis l’agression des bandes-annonces de cinq ou six films extrêmement violents, souvent plus sadiques et peu porteurs de valeurs morales scrupuleuses (c’est une litote…).
Killer Joe est adapté d’une pièce de théâtre, et ça se sent un peu tant les scènes d’intérieur l’emportent sur les autres, manifestement ajoutées pour les besoins propres du film, tant les caractérisations sont sommaires et taillées pour la scène…
Soit une famille recomposée comme on dit aujourd’hui (c’est-à-dire découlant d’une décomposition), constituée de Ansel, père borné (Thomas Haden Church), de Sharla, belle-mère nymphomane et maléfique (Gina Gershon, excellente dans la veulerie vicieuse), de Chris, petit dealer minable (Emile Hirsch) et de Dotti, sa sœur, demi-débile gentille (Juno Temple). Nécessité de rembourser au plus vite les patrons locaux du trafic de drogue d’opérations hasardeuses, appât du gain (auri sacra fames, comme dit notre vieux pote Virgile), bouffées de haine familiale, la solution est de faire assassiner la mère biologique de Chris et de Dotti, droguée jusqu’à l’os, méprisant ses enfants, sale bonne femme que personne ne regrettera.
De fait, l’idée, émise par Chris de faire descendre sa maman pour que Dotti, la sœur, touche l’assurance-vie, rencontre l’adhésion générale. Le tueur, Joe (Matthew McConaughey), policier qui arrondit ses fins de mois en faisant des ménages demande une avance. On ne l’a pas, mais Joe est fasciné par Dotti et s’en satisfait.
La suite, évidente, découle de ces prémisses. Elle culmine dans une scène d’une grande violence physique, mais à quoi on demeure tout de même un peu extérieur, tant la nullité de tous les personnages répugne. Cela dit, c’est extrêmement bien filmé, très bien interprété, bien monté et rythmé.
Mais ça s’oubliera vite.