La charge héroïque

Elle portait un ruban jaune…

Quelle idée idiote de ne pas avoir traduit en français le titre originel, Elle portait un ruban jaune et d’avoir baptisé le film de John Ford La charge héroïque, alors qu’il n’y a pas de charge, et encore moins d’héroïsme, mais une simple roublarde opération de commando nocturne qui suffit à égayer d’impressionnables Indiens cheyennes et à valoir à la triomphante cavalerie étasunienne des lauriers faciles !

Oui, le titre originel, qui était bien plus romanesque et charmant, chanson de marche traditionnelle, comme pouvait l’être notre Auprès de ma blonde aurait bien mieux convenu à un film dont l’absence d’intrigue est absolument remarquable, et qui figure pourtant, à l’opinion commune, parmi les westerns du plus haut niveau…

Alors que mes pas de cinéphage étaient balbutiants encore, un de mes aînés m’avait fait remarquer combien, chez John Ford, la beauté des ciels était éclatante… Et depuis lors, une bonne cinquantaine d’années, je n’ai pu regarder un de ces films d’Ouest sans accorder une particulière importance à ces arrière-plans… Il est vrai aussi que, dès que l’on ôte à ces histoires simples leur environnement paysager, il n’en reste pas grand chose.

Mais dans La charge héroïque, il y a tout de ces robustes films qui ont charmé des générations d’amateurs et ont constitué un mythe d’autant plus fort qu’il ne reposait que sur peu de choses : paysages très spectaculaires de Monument valley, diligences secouées par les cahots, chevaux lancés à pleine course dans des cavalcades étourdissantes, clairons sonores, troupeaux de bisons, Indiens austères, flèches empennées, calumets de la paix, wigwams, squaws, papooses, tuniques bleues, bivouacs apaisants.

Et, naturellement, des jeunes écervelés se disputant le cœur d’une coquette, seul gibier possible dans ces terres de grande solitude. et quelques autres figures obligées, le soldat passionnément attaché à la fois à son capitaine et au whisky, le fortin germe d’ordre au sein du chaos, les bagarres à l’irlandaise, les sudistes nostalgiques et loyaux.

J’ai l’air de ricaner, mais en fait j’ai trouvé le film excellent, pour qui se contente de paysages sublimes et de caractères sommaires mais bien trempés.

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