La chienne

Condition humaine.

C’est un film déjà bien dans la manière du Renoir de La règle du jeu : Tout le monde a ses raisons !

Et c’est ce qui est le plus frappant, le plus intéressant, ce que préfigure et détermine la séquence d’introduction où Guignol assomme les moralistes et assène que le film ne prouvera rien du tout : et de fait il faut un bien grand talent pour, sur le fil d’un apparent mélodrame et sur une trame aussi invraisemblable que tragique, parvenir à ne pas trop ridiculiser le comptable falot, à ne pas mépriser la fille facile et, même, à rendre presque attachant, sur ses derniers moments, le barbeau qui n’aime personne.

C’est bien cela, tout le monde a ses raisons, tout le monde a sa logique et son histoire et son sauve-qui-peut. C’est le parti humaniste de Renoir : ne pas prendre trop au sérieux les apparences des choses et les vastes indignations.

La chienne est un très bon film, mais je ne le place tout de même pas au rang du chef-d’œuvre, ni même du film majeur. Les balbutiements des tout débuts du cinéma parlant sont moins gênants qu’attendrissants (les cartons intercalaires, la présentation des personnages : on voit que le public, encore peu familier avec le son, a besoin de retrouver ses codes), mais surtout les acteurs ne sont pas bons, conservant encore beaucoup les mimiques théâtralisées, outrancières, de l’époque antérieure.

À ce jeu-là, Lulu, l’héroïne (Janie Marèse) remporte le pompon. J’allais écrire qu’il était bien normal que sa brève carrière se soit terminée avec le film de Jean Renoir lorsque j’ai découvert qu’elle était morte quelques semaines après la fin du tournage, à la suite d’un accident de voiture provoqué par Georges Flamant, son partenaire le voyou Dédé à qui, dans le film on coupe, par erreur, la tête. En voilà une ironie du sort assez macabre !… On n’échappe pas à certains destins et la Mort vous attend toujours à Samarcande.

Les acteurs sont mauvais, à nos yeux d’aujourd’hui, mais, naturellement, Michel Simon est aussi remarquable que d’habitude, qui entre toujours dans la stature de ses personnages en y étant parfaitement reconnaissable, et pourtant en ciselant d’un trait, d’un regard, d’un grognement de gorge un individu à part. Grandissime acteur, virtuose Protée, capable d’inquiéter, d’émouvoir, d’attendrir, d’amuser, d’exaspérer, il ouvre en 1931 une carrière où les vingt années qui suivent seront magnifiquement ponctuées (Boudu, L’Atalante, Drôle de drame, Les disparus de St-Agil, Quai des brumes, Fric-frac, La fin du jour, Panique), avant une fin de parcours de moindre niveau. Dans La chienne tour à tour retenu, indifférent, passionné, pitoyable, indigné, criminel, habile, réconcilié il offre une palette de jeu d’une intense qualité. Et on songe que juste auparavant, il a tourné la farce plaisante On purge Bébé, où il est irrésistible…

Elle est toujours sincère, elle ment tout le temps : c’est ainsi que le narrateur initial présente la pauvre Lulu… C’est une autre façon de dire que Tout le monde a ses raisons

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